Casting - Entrevue avec Chloé Varin, Simon Boulerice et Stéphanie Lapointe !

 
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24 mars 2015

C'est cette semaine que sortent les trois romans de la série Casting qui proposent aux lecteurs adolescents de découvrir l'envers du décor d'une production cinématographique à travers les regards de Charlotte, Victor et Victoria. Si l'idée originale vient de Chloé Varin, c'est en compagnie de Simon Boulerice et Stéphanie Lapointe qu'elle s'est lancée dans l'écriture. Entrevue avec un trio époustouflant ! 

L'idée de Casting vient de toi, Chloé. Est-ce toi aussi qui a voulu intégrer Simon et Stéphanie au projet  ou est-ce des suggestions de la maison d'édition?

 

Chloé: Le nom de Simon s'est imposé très vite dans les discussions avec la maison d'édition. En plus d'être un auteur que j'apprécie beaucoup, il est metteur en scène et comédien. C'était important pour moi que les auteurs pressentis connaissent le milieu de la télévision ou du cinéma de l'intérieur. Je voulais du vrai, du vécu ! Simon avait déjà publié pour les Éditions la Bagnole et il a accepté d'emblée, à ma grande surprise. Je le savais très occupé, tellement que j'ai eu peur qu'il finisse par se désister, mais non ! Il a été assez patient pour rester jusqu'au bout. J'ai approché plusieurs autres auteurs, tant pour le rôle de la nièce de la productrice que du réalisateur ou de la réalisatrice. Au départ, nous devions être quatre auteurs. Stéphanie m'a été suggérée par Eza Paventi, que j'avais approchée pour le rôle de la réalisatrice. J'ai pris contact avec elle et ça a tout de suite cliqué !

Pourquoi n'y a-t-il finalement pas eu de personnages adultes?

Chloé: Parce que tous les auteurs pressentis pour le personnage du réalisateur ou de la réalisatrice étaient soit trop occupés pour accepter ou trop intimidés par le projet. *rire* Mais c'est une bonne chose qu'on soit seulement trois auteurs finalement, parce que ç'a été tout un casse-tête ! 

Stéphanie: Oui, on s'est vraiment dit que c'était une bonne chose d'avoir été trois finalement. (le destin fait bien les choses !) C'est en fin de processus, je crois, qu'on a tous réalisé à quel point il nous fallait être méticuleux, organisés et efficaces pour faire en sorte que le projet se tienne et que les univers soient cohérents. À quatre auteurs... ça aurait représenté un défi encore plus grand, j'imagine !

Simon: Ça aurait complexifié le tout, mais ça aurait été intéressant, assurément !

Comment s'est déroulé le travail? Est-ce que vous avez discuté de l'histoire ensemble ou est-ce que vous aviez déjà un schéma de base?

Chloé: J'ai d'abord rédigé le synopsis, les grandes lignes : l'histoire des auditions publiques organisées par la productrice pour confier le rôle à sa nièce et gagner l'attention du public, la confrontation avec le réalisateur qui veut engager une jeune actrice non professionnelle dans le premier rôle du film. En partant de cette prémisse, on a chacun défini notre personnage, puis on a monté une "bible" incluant les personnages secondaires, leur nom, leur allure, leur personnalité. On s'est inspirés de vedettes québécoises pour certains, mais je ne vous dis pas lesquelles ! 

Stéphanie: Je pense qu'on a tous été attirés par cette prémisse de base ; un plateau, trois jeunes, trois années charnières. Toutefois, ce que j'ai trouvé le plus stimulant, c'était le fait que justement, la ligne narrative des trois histoires n'avait pas été inventée et ça nous laissait, à tous les trois, la liberté de pouvoir bâtir notre histoire de façon bien personnelle.

Simon: J'ai  apprécié les contraintes liées à ce projet. Par le passé, j'avais  participé à un roman à huit mains (Les Cicatrisés de Saint-Sauvignac,  Éditions Ta Mère, 2011) et j'en avais conservé un souvenir précieux.  Cette fois, je poussais l'expérience d'un cran: créer mon propre roman,  en lien avec ceux de deux autres auteurs.

Oui, la prémisse m'a séduit, mais l'envie de travailler avec deux créatrices vives et dynamiques a aussi pesé dans la balance, pour moi.

Est-ce qu'une autre personne relisait le tout pour s'assurer de la cohérence? Est-ce que vous échangiez au quotidien pour que tout concorde?

Chloé: On a échangé souvent pour s'assurer que tout concorde ! On s'est rencontrés, on s'est écrit sur Facebook ou par courriel, on s'est appelés... Malgré tout, certains détails nous ont échappés ou ont été interprétés différemment, mais notre directrice littéraire, Jennifer Tremblay, a fait un excellent travail en ce sens. Elle a relevé plusieurs incohérences en cours de processus et d'autres ont été pointées par nous ou par le réviseur.

En as-tu un exemple? 

Chloé: On a eu le vertige durant une rencontre quand on a réalisé qu'il y avait une erreur dans la chronologie. On a dû revoir le calendrier et déplacer certains éléments de nos intrigues respectives, c'était assez angoissant sur le coup ! Il y a aussi la scène finale du film qui a changé trois fois d'endroit : d'une ruelle à un stationnement de centre commercial, pour finalement revenir à la ruelle. Et durant les révisions, on n'a pas forcément accepté toutes les mêmes modifications suggérées par le réviseur, alors on s'est retrouvés avec des petites différences dans les dialogues de nos scènes partagées. 

Stéphanie: Tout le monde a fait preuve de beaucoup de générosité et d'ouverture dans le processus. Quand on discutait -oui, on était pas toujours d'accord sur tout !- entre nous trois et avec Jennifer, notre directrice littéraire,  j'ai toujours senti que c'était la qualité des trois romans qui était au coeur de nos décisions.  L'idée qu'on voulait que ce soit touchant, pertinent... drôle aussi.

On avait les mêmes objectifs et je pense que c'est souvent ce qui fait la qualité d'une bonne équipe...

Simon: Des trois, je crois que j'ai été le plus tannant sur Facebook. Je passais mon temps à écrire aux deux autres, souvent au seuil de la nuit. "Heille, les filles, est-ce que je peux donner un nom de famille à Anna?", ou encore "Mes potes, ça vous va si mon Victor pratique les arts martiaux?". Et souvent, j'attendais des réponses rapidement, pris dans la fulgurance de l'écriture. J'ai été le dernier à entamer la rédaction du roman (je devais terminer le tome 3 de ma série M'as-tu vu?) et je vais faire mon frais en disant que j'ai terminé le premier la version 1 du mon livre. Héhé. Mais comme c'est moi qui l'ai le plus retravaillé, je me vante un peu à tort... Oups.

Il y a quand même beaucoup de scènes partagées. Est-ce que vous avez dû faire des compromis?

Chloé: Oui. Il a bien fallu trancher par moments, au niveau des dialogues, des lieux, des actions ou de la chronologie... Même pour l'orthographe ou le nom de certains personnages ! Mais comme on est plutôt conciliants, ça n'a pas trop posé problème. On a dû ajuster plusieurs passages ici et là, mais si je dis lesquels, je devrai inévitablement dévoiler des "punchs"... ;-)  

Stéphanie: Pour vrai, on est comme une belle histoire d'amour qui fonctionne bien tous les trois :) !! Il y a eu des pépins, des choses à modifier, améliorer... on a travaillé fort. Mais comme Simon et Chloé sont des gens qui travaillent à peu près 24h sur 24, quand un problème surgissait, on trouvait une solution et on pouvait tous aller de l'avant. Ce projet n'aurait pas été possible si on ne s'était pas montrés disponibles, je crois...

Simon: Il est vrai que j'ai rarement travaillé avec des gens aussi flexibles que moi. Je suis réputé pour être smoothe, dans la vie. Chloé et Stéphanie le sont aussi. Elles n'ont rien dit quand je les ai reçues chez moi un dimanche matin en pyjama, sans leur offrir de café (je n'en ai jamais). Elles tolèrent beaucoup de choses... (Mais je réalise qu'elles ne sont jamais revenues chez moi depuis! Je dois-tu comprendre quelque chose?)

Est-ce que l'un d'entre vous a une tête plus forte que les autres? 

Chloé: J'aurais tendance à dire qu'on a chacun notre façon de travailler et nos petites insécurités personnelles. Mais pour trois personnes qui n'avaient jamais travaillé ensemble (ou sur un projet collectif du genre), la chimie a opéré super facilement !

Stéphanie: Je pense qu'on est trois têtes fortes qui expriment différemment leur point... mais qui se font entendre ! On était assez cabotins en meeting, mais quand venait le temps de parler plus sérieusement, on aurait dit qu'une petite lumière s'allumait au dessus de nos têtes...

Simon: Tout a été dit et fait dans le respect. Pas de diva dans notre  trio. Joie! (Mais c'est quand même moi qui chante le mieux des trois.  Surtout la chanson "Chandelier" de Sia).

Simon aborde l'homosexualité dans Victor et Stéphanie parle de cancer dans Victoria. Est-ce que c'était votre volonté d'amener ces thèmes dans la série?

Simon: La thématique a été proposée par Chloé, via téléphone, au tout début du projet. C'est d'ailleurs ce qui m'a intéressé: raconter le désarroi d'une star de la télé québécoise, coqueluche des ados, qui est dans l'impossibilité de révéler sa vraie nature s'Il veut qu'on lui offre encore du travail. J'ai le sentiment que, pour un comédien, dévoiler publiquement son homosexualité est un risque de taille, même en 2015. Les téléspectateurs (ou téléspectatrices, surtout) aiment croire au désir de l'acteur à l'écran. S'il est totalement feint, je pense que bon nombre décrochent. C'est dommage, mais c'est ce que je crois. Pour ajouter au tiraillement intérieur du personnage, je l'ai imaginé victime d'une fraude financière de la part de ses parents. Depuis, il a coupé les ponts avec eux. Il est totalement autonome et indépendant. Par conséquent, Victor a besoin de travailler. Avouer publiquement son homosexualité représente un dilemme, car il a beaucoup à perdre, dans cette entreprise de transparence.

Stéphanie: De mon côté, j'ai proposé d'aborder le thème du cancer parce que quand j'étais plus jeune, une de mes bonnes amies a vécu la perte de sa mère et que je trouvais qu'il y avait là une histoire dont je pouvais m'inspirer et qui ferait réfléchir... qui toucherait.

Y a-t-il un ordre préférable pour la lecture?

Chloé: Non. Les livres peuvent se lire dans n'importe quel ordre, c'est ce qui fait la beauté de la série, entre autres. Évidemment, on découvre certains éléments plus tôt ou plus tard d'un roman à l'autre, mais la compréhension du lecteur n'en souffre pas... du moins, j'espère !  

Stéphanie: Je crois que les jeunes, en passant d'un livre à l'autre, réaliseront surtout à quel point, parfois, notre lecture d'une situation peut être différente, en fonction de la position que l'on a. Je crois que notre regard est influencé par notre orgueil, notre fierté... notre peine, nos peurs surtout !

Avez-vous lu ceux des autres? Qu'aimez-vous de l'écriture des autres?

Simon: Bien sûr que nous nous sommes lus! Et heureusement! Héhé. J'ai beaucoup d'admiration pour l'univers de mes deux collègues.  Stéphanie  est pleine de tendresse, et ça transparait dans ses mots; Chloé a une  exceptionnelle compréhension de l'état adolescent. À leur façon, elles ont donné vie à des personnages crédibles et attachants. J'ai l'impression que plusieurs ados, attirés par le milieu du cinéma ou de la télé, seront aimantés par leur livre.

Chloé: Je ne sais pas combien de fois j'ai lu les romans de Simon et de Stéphanie, mais assez pour connaître certains passages par coeur, ou presque. Stéphanie s'exprime de façon très imagée, sa plume me fait penser à une belle courte pointe très colorée. Simon sait trouver la beauté dans les détails anodins du quotidien ; c'est ce qui me fascine chez lui et dans son écriture, particulièrement. C'est le Michel Tremblay de notre génération !   

Simon: Gosh, je rougis, merci!

Stéphanie: Idem pour moi. J'ai aussi lu plusieurs fois les romans de Chloé et de Simon. Je crois que mes deux comparses savent trouver - et c'est une qualité rare, je trouve! - le juste ton, qui permet de s'exprimer à travers la bouche d'un personnage plus jeune. Je crois qu'ils sont tous les deux réellement passionnés par la littérature jeunesse et ça confère à leur écriture une authenticité.

Sans doute qu'il y a des gros morceaux de leur enfance encore  collés à leur peau... et ça fait de belles choses.

Qu'est-ce que l'écriture collaborative vous apporte? Qu'est-ce qu’elle vous enlève?

Chloé: C'est grâce au partage d'idées que j'ai trouvé ce projet aussi inspirant. Simon et Stéphanie ont fait prendre de nouvelles directions à mon écriture. Le fait de mettre notre imaginaire en commun, de réfléchir à un même projet, ça ouvre les perspectives ! Par contre, l'écriture collaborative est plus longue dans la mesure où on doit toujours se consulter et faire des ajustements à tout moment.   

Stéphanie: L'écriture est une activité tellement solitaire, c'était très sain  pour moi de me sentir attachée à une équipe, plus grande que nos projets individuels. Moi, ça m'a donné des ailes... le courage de penser que je pourrais y arriver. Et ça, c'est la beauté de travailler en équipe.

Simon: Je suis un solitaire heureux; l'écriture en solo me sied comme un gant. Mais me sortir de ma solitude me fait toujours beaucoup de bien aussi. Le théâtre (j'ai eu une formation de comédien) m'a appris à être un gars de troupe, moi si solitaire. Ce travail en trio se rapproche un peu de la troupe, alors je m'y suis senti bien. Au-delà de nos trois livres, ce projet, pour moi, est synonyme de rencontres humaines belles et solides.

 

Le petit plus...

Stéphanie, Victoria est ton premier roman. Qu'est-ce qui t'a donné envie de te lancer dans cette aventure de Casting? 

J'ai entendu parler de ce projet par une amie auteure, un soir de première (une pièce de Jennifer Tremblay, justement!) Je me souviens d'avoir dit à cette amie, quand les lumières s'éteignaient ;

-hey, moi ça m'intéresserait de le faire. (les lumières s'éteignaient encore un peu plus...)

-hey, tu comprends pas, ça me tente vraiment beaucoup!

 Et de fil en aiguille, j'ai été présentée à Chloé. Je me sens vraiment privilégiée d'avoir eu sa confiance et celle de notre éditeur.

Crédit photo: Mathieu Rivard
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