Ces héroïnes qui déménagent...

 
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20 avril 2012

Lorsque j’ai commencé Planches d’enfer de Chloé Varin, je me suis dit : encore une héroïne qui déménage ! Et puis je me suis demandée s’il y en avait tant que ça (retraçant dans mes lectures récentes Ariane de Psy malgré moi, Léa de La vie compliquée de Léa Olivier  et Émily de Nikki Pop qui ne déménage pas, mais change d’école et de groupe d’amis.) Mais pourquoi toutes ces auteurs choisissent de lancer leur héroïne dans un nouvel univers? Qu’est-ce que cela leur apporte de plus lors de l’écriture? Il n’en fallait pas plus pour me donner envie de les questionner! Voici donc les réponses de Catherine Girard-Audet, Chloé Varin et Jade Bérubé !

Qu’est-ce qu’apporte de plus un environnement nouveau pour une héroïne de roman? Qu’est-ce qui vous a motivé à faire ce choix pour votre héroïne?

Jade Bérubé : C'est pour moi un moteur supplémentaire. Puisque l'héroïne est en mode découverte, elle est dans un état proche de celui du lecteur qui "découvre" un nouvel univers. Et par le fait même, mon héroïne découvre l'univers que je suis en train de créer pour elle en tant qu'auteure. Nous sommes tous au diapason.

Chloé Varin : Avant d’entamer l’écriture de ma série «Planches d’enfer», je me suis replongée dans mes souvenirs d’adolescence. Je me suis souvenue combien il est important d’avoir des repères auxquels se rattacher, quand on est jeune... Aujourd’hui, j’adore voyager, me sentir dépaysée, devoir m’acclimater à une nouvelle culture, à de nouveaux lieux... Adolescente, pourtant, j’étais tout l’opposé ; je redoutais la solitude et surtout, je détestais être propulsée dans un environnement étranger, sans ami pour me soutenir ou m’encourager. En déracinant Annabelle de cette façon, je voulais démontrer que c’est souvent en sortant de notre zone de confort qu’on apprend à se connaître soi-même. On doit repousser nos limites, aller au-devant des autres, laisser tomber certaines barrières...

Catherine Girard-Audet
 : Personnellement, je pense que l’environnement nouveau permet à l’auteur de commencer l’aventure en même temps que le personnage principal et de vivre son adaptation avec lui, au fur et à mesure que l’histoire avance. Dans mon cas, j’ai choisi de baser mon histoire sur le déménagement et le déracinement de mon héroïne, car je m’inspire d’une situation que j’ai moi-même vécue, et j’avais envie de raconter les hauts et les bas de l’intégration dans la métropole à travers les yeux de Léa.

Est-ce que le thème de l’adaptation à un nouveau milieu vous a beaucoup inspiré? Qu’est-ce que vous avez spécialement aimé traiter?

Jade Bérubé : J'étais très heureuse de pouvoir parler de cette grande étape qu'est l'entrée au secondaire. Même si on y suit nos amis (ce qui n'est pas le cas d'Émily), l'entrée au secondaire reste un voyage en pays étranger. Je me souviens parfaitement de mon état à cette époque cruciale. J'étais excitée, perdue, en apprentissage et consciente du tournant que ma vie prenait. C'est très fécond pour un auteur de décrire les aventures d'un personnage dans cet état, car ce dernier va ressentir les choses plus violemment qu'à l'habitude et va, bien sûr, agir en conséquence. Ça enrichit la trame narrative dès le départ!

Chloé Varin : Oui, le sentiment d’appartenance et la capacité d’adaptation sont des thèmes qui m’habitent depuis toujours et qui m’inspirent énormément. La différence est encore très mal perçue dans notre société. S’adapter à un nouveau milieu constitue donc un défi de taille, mais nous y sommes tous confrontés un jour ou l’autre... Alors il faut savoir y faire face et apprendre à assumer ce que l’on est! Au secondaire, les gens cherchent à tout prix à te coller une étiquette selon tes intérêts ou ton style vestimentaire. Si tu n’entres pas dans une catégorie, gare à toi! Moi, j’ai longtemps cherché ma place... je parlais à tout le monde, mais j’avais de la difficulté à m’intégrer à un groupe en particulier en raison de mes champs d’intérêt très variés. J’étais à la fois skateuse et intello, populaire et rejet... Je m’entendais bien avec les filles, mais mieux avec les gars, avec qui l’amitié était bien plus simple. Annabelle est un peu comme moi dans la mesure où elle est plus à l’aise entourée de garçons. J’ai particulièrement aimé traiter de la fascination mutuelle d’Annabelle pour les gars de la bande. Samuel et elles s’observent à distance, s’admirent en silence sans trop oser s’aborder... Mais il faudra bien que quelqu’un se décide à faire les premiers pas!

Catherine Girard-Audet : Comme je l’ai dit précédemment, l’idée d’adaptation m’a grandement inspirée, puisque je l’ai moi-même vécue, et que je sais qu’elle est accompagnée de tout un éventail d’émotions. On se sent à la fois perdue, seule, énervée et heureuse de se trouver face à l’inconnu. On peut se réinventer et apprendre à se connaître davantage.
J’ai beaucoup aimé traiter du fait que Léa se sente perdue, car je m’identifie beaucoup à ce sentiment. Aussi, c’était facile pour moi de replonger dans mon passé et de décrire les difficultés qu’on ressent lorsqu’on laisse une partie de son cœur et de son âme derrière soi. À long terme, c’est une épreuve qui nous permet de grandir et de nous faire évoluer, mais sur le coup, c’est assez éprouvant à vivre.
 
Est-ce que les personnages que l’héroïne rencontre ne sont pas d’abord un peu stéréotypés puisqu’elle ne peut se fier qu’aux apparences?

Jade Bérubé : Bien sûr! Et c'est d'ailleurs l'intérêt de la chose. C'est le mode "découverte" dont on parlait tantôt. Il est très agréable de créer des personnages stéréotypés en sachant pertinemment que les couches de compréhension vont tempérer le tout par la suite. Pour moi, en tous cas, c'est un réel plaisir de "présenter" un nouveau personnage de cette façon, car je me laisse une grande marge de manoeuvre pour la suite. Sera-t-il vraiment ce qu'il annonce? Avons-nous tous été floués par la première impression? C'est, en quelque sorte ce qui se passe avec mon personnage de Jérémie. Ensuite, mon boulot c'est de rester cohérente. Mais c'est en quelque sorte un petit pari chaque fois.

Chloé Varin : Oui, mais c’est souvent de cette façon que les choses se passent dans la vie aussi... Nous avons tous un peu tendance à se fier aux apparences de prime abord. On remarquera l’habillement, la posture ou la coiffure de quelqu’un — bref les caractéristiques physiques de la personne — avant de pouvoir s’attarder sur ses caractéristiques psychologiques. Annabelle est très observatrice, elle remarque les petits détails, elle analyse beaucoup les comportements et les réactions des gens, mais elle n’a pas peur de foncer, d’aller se présenter... Bien sûr, comme tout le monde, elle a ses idées préconçues et préfère se tourner vers les gens qui lui ressemblent un peu. En revanche, mes personnages masculins auront de nombreux préjugés à l’égard d’Annabelle et ils s’en méfieront beaucoup, jusqu’à ce qu’ils réalisent qu’ils ont bien plus d’atomes crochus qu’ils ne l’auraient cru... Après tout, les apparences sont souvent trompeuses!

Quel est le rôle de l’ancienne meilleure amie? Faut-il forcément que le personnage s’en détache?

Chloé Varin : Les relations à distance ne sont jamais faciles à vivre, qu’elles soient amicales ou amoureuses. Il arrive parfois qu’au bout d’un moment, la complicité s’effrite et les conversations s’appauvrissent à défaut d’être alimentées par des souvenirs communs... Ce n’est pas de gaieté de coeur que mon héroïne se détachera de Léa, sa meilleure amie. La distance qui les sépare forcera Annabelle à voler de ses propres ailes en affrontant seule sa nouvelle réalité. Ce n’est qu’une fois ces épreuves durement traversées qu’elle pourra enfin renouer avec son amie d’enfance. En effet, après avoir été longtemps séparées, elles seront à nouveau réunies dans le tome à venir, pour le meilleur et pour le pire...

Jade Bérubé : Pour moi il était important que l'amitié s'érode puisqu'elle justifiait la mise en berne du talent d'Émily. Si la place de Marie-Pier n'avait pas été remise en question par Émily, celle-ci n'aurait jamais pu découvrir tout ce qu'elle avait refoulé durant ses années passées à ses côtés. Aussi, il s'agit encore une fois d'un moteur dramatique important. L'amie qui change ou s'éloigne permet au protagoniste principal de se remettre en question. Et bien sûr, cette peine d'amitié est aussi une excellente base sur laquelle faire pousser autre chose: la peur que la situation se reproduise par exemple. Ou encore l'effet miroir lors d'une hypothétique retrouvaille...

Catherine Girard-Audet
 : Le personnage de Marilou me permettait de représenter « l’ancienne Léa » ainsi que de prouver à quel point les vraies amitiés sont importantes. Même si Léa traverse des moments difficiles à Montréal, elle sait qu’elle peut compter sur sa meilleure amie, même si celle-ci habite à des centaines de kilomètres. De plus, Marilou nous permet de connaître Léa en profondeur puisqu’elles se fréquentent depuis qu’elles sont toutes petites. Enfin, je crois que c’est un personnage assez riche, car très différent de mon personnage principal. Ça me permet aussi de montrer que les amitiés sont aussi là pour nous compléter !

Pour suivre ces héroïnes, sachez le que Rumeurs, le tome 2 de La vie compliquée de Léa Olivier, sort la semaine prochaine, que Jade Bérubé travaille présentement sur le 5e tome de Nikki Pop et nous en parle ici alors que Chloé Varin, en entrevue aussi ici, prépare le tome 3 de Planches d’enfer! 
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