Les petites reines

Mireille est élue boudin de bronze au concours des mochetés de son lycée et elle est un peu déçue. Il faut dire qu'elle avait gagné le titre de boudin d'or les deux années précédentes. Mais bon, elle n'a pas le temps de s'apitoyer sur son sort parce qu'elle doit consoler les deux autres boudins, la nouvelle Astrid et la timide Hakima. C'est en discutant avec elles que lui vient une idée un peu folle. Alors qu'Hakima s’insurge parce qu’un général sera décoré par l'Élysée le 14 juillet alors qu'il a causé la mort de beaucoup de soldats et qu’il est responsable du handicap de son frère ainé, Mireille voit là une occasion en or. Parce que l'Élysée, c'est aussi la demeure de son père biologique, celui qui lui a refilé sa laideur et n'a jamais répondu à ses lettres. Pourquoi ne pas aller « gate-crasher » la fête ? Et tant qu'à y être, pourquoi ne pas y aller en vélo en s'assumant jusqu'au bout, c'est à dire en finançant le voyage par la vente de boudins ? L'aventure ne peut être qu'épique !

Roman surprenant, entre aventure, psychologie et humour, Les petites reines de Clémentine Beauvais invite le lecteur dans un voyage fantastique en compagnie de trois héroïnes peu ordinaires. Abordant les thèmes de la laideur, des réseaux sociaux et de l'entraide, l'auteure parle aussi d'héritage, de guerre et de survie. Riche et complexe, le récit peut rejoindre les lecteurs intermédiaires et avancés.

Mon avis

« - Tain, je fais si peur que ça?

Elle secoue la tête, sans conviction.

- Non… mais Astrid, je savais qu’elle n’allait pas me crier, tu vois?...

- Me réprimander Hakima. Ou me houspiller. Me gronder, à la rigueur. Me crier, c’est pas du transitif direct, tu vois, ça ne marche pas…

- Ça fait toujours mal comme ça?

- La grammaire? Oui, c’est très douloureux.

- Mais non, les règles.

- Les règles de grammaire?

- Arrête de me moquer !

- Me moquer de toi, Hakima. Moquer aussi, c’est du transitif indirect. »

C'est une expérience de lecture très dense que nous propose Clémentine Beauvais avec ce roman. Il y a l'intrigue principale et la question de la beauté, du regard des autres, de la méchanceté et il y a l'air du temps avec l'omniprésence des journalistes, des réseaux sociaux et de leurs pouvoirs, mais  il y  a aussi l'humour, tant dans les surnoms (aussi géniaux les uns que les autres, de Barack Obamette à Soleil) que dans la façon de décrire la vie et les personnages et la langue qui prend aussi une place importante, dans les réparties de Mireille entre autres, mais dans toutes les phrases de l'auteure.

Il y a en effet une musicalité dans le texte, un travail fait sur le fond comme sur la forme et c'est agréable à lire. Par ailleurs, l’auteure évite les clichés, parfois en les mentionnant d'ailleurs, avec ces héroïnes hors norme qui restent des #boudins du début à la fin. S'il y a métamorphose, elle n'est pas de l'ordre du magique, elle se déroule de façon plus intérieure et, surtout, plus crédible que dans la plupart des revirements de la sorte. Ces filles n'auront pas tout changé lorsqu'elles reviendront à Bresse après avoir «gate-crasher» le «garden-party» de l'Élysée, mais elles auront grandi. Et le lecteur aussi.

Merci à la maison d'édition Sarbacane pour le roman !