La louve est en colère contre les villageois qui ont abattu son louveteau. Afin de se venger, elle jette un sort à Lucie, fillette qui mourra si les habitants ne rendent pas le petit à sa maman. Alors, pendant que les adultes se morfondent, Romane, Momo et Louis sont bien décidés à sauver Lucie. Romane enfile la peau du louveteau un peu à la manière de Peau d’Âne et part à la rencontre de l’animal, tentant de lui faire croire qu’elle est son petit. Après quelques tentatives et plusieurs heures de répétition, Romane entre littéralement dans la peau de son personnage et parvient à convaincre la louve. « J’étais plus à l’aise que le soir précédent. J’entendais toutes sortes de bruits et de chants, jusqu’au craquement de l’écorce des arbres. Puis, des odeurs nouvelles, celles des branches mouillées et celle d’un petit animal […] J’ai passé la main sur ma tête pour retirer la peau du louveteau. Mais ce n’était pas une main : c’était une patte. Et ce n’était pas la peau d’un louveteau : c’était la mienne. » Et ainsi, la petite Romane, devenue louveteau, part vivre dans la forêt avec la mère louve.
L’orphelinat, l’abandon, mais surtout l’oubli de soi, l’entraide et le courage sont des thèmes prépondérants ici. L’album plaira d’abord pour l’histoire première, celle de la métamorphose, mais permettra aussi de toucher des valeurs humanistes. Il pourrait par ailleurs servir d’amorce à une lecture plus avancée sur le thème de la métamorphose.
Voilà un album comme il s’en fait peu. Il s’agit d’abord d’un récit écrit avec beaucoup de sensibilité et d’aplomb. La plume de Clémentine Beauvais regorge d’émotion, de douceur et de poésie. Elle parvient à mettre en scène plusieurs avenues allant de l’abandon à la solidarité en passant par la peine et l’espoir, le tout dans une ronde cadencée, un récit bien ficelé. La métamorphose, thème fréquent et souvent bouleversant dans l’univers fantastique, ne survient pas de façon brutale comme dans plusieurs récits du genre. On pense tout de suite à la Métamorphose de Kafka qui nous présente le destin tragique d’un homme condamné du jour au lendemain à devenir cafard jusqu’à sa mort. Non, ici, Romane, qui est déjà orpheline, quitte graduellement le monde des humains pour celui des animaux, sans déchirement. Au contraire, elle trouve dans la vie animale, douceur, chaleur, ce qui lui manquait à l’orphelinat. Il faut d’ailleurs voir le contraste entre son inconfort du début et le bienêtre ressenti à la fin de l’histoire : « le manteau d’hiver que les dames de l’orphelinat m’avaient déniché était trop grand, mal reprisé ; il laissait passer des filins d’air glacial. » Puis, « j’ai voulu, de toutes mes forces, avoir peur. Mais je n’avais pas peur. Au contraire, j’étais heureuse. J’avais chaud, j’entendais la musique de la forêt. La louve m’a doucement léché le front. » À ce texte prenant, les illustrations d’Antoine Déprez apportent ce qu’il faut d’aura fantastique. Les différents angles, le trait à la fois léger et tellement précis, les variations de couleurs adaptées aux scènes, l’importance accordée aux jeux d’ombres, tout contribue à offrir un album de grande qualité.
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