« Au commencement, le monde était plongé dans une noirceur presque absolue. Ni soleil pour réchauffer la terre, ni étoiles pour éclairer le ciel. Les jours étaient comme les nuits et les nuits comme les jours. »
Au milieu de cette pénombre, seul tranche le corbeau au plumage blanc comme neige. Puis, un jour, ou alors une nuit, alors qu’il volait au-dessus d’une contrée inconnue, il découvre une petite maison dans laquelle un vieil homme confie à sa petite fille un énorme secret: dans une petite boite qu’il tient cachée dans sa cabane se trouve toute la lumière du monde. Le corbeau, ambitieux, tient absolument à récupérer ce cadeau et l’offrir à l’humanité. Pour ce faire, il use de magie : alors que la fillette s’apprête à aller chercher de l’eau à la rivière, l’oiseau prend la forme d’une aiguille de pin, se retrouve dans le seau d’eau et, rapidement, dans le ventre de la jeune fille. Quelque temps après, elle met au monde un enfant étrange qui parvient avec ruse à faire ouvrir le coffre à son grand-père.
« Désormais, les jours et les nuits ne seraient plus jamais semblables ».
Voici un aperçu de ce conte qui contient beaucoup plus. On y apprend notamment de quelle façon le corbeau, après avoir volé le secret lumière, deviendra, à son tour, tout noir ; comment la lune, les étoiles et le soleil ont vu le jour dans une lutte entre un aigle et le corbeau. Les lecteurs seront aussi amenés à découvrir qu’il s’agit d’une légende haïda, un peuple autochtone vivant sur la côte ouest du Canada, en Colombie-Britannique, plus particulièrement sur l’archipel d’Haida Gwaii. Pour connaitre les légendes de l’ouest, pour découvrir l’importance du corbeau dans la vie de ce peuple, pour la beauté du texte et sa mysticité, cet album s’adresse particulièrement aux grands.
Il y a encore trop peu d’albums dans lesquels on nous présente ces légendes autochtones. Des légendes, des contes qui nous permettent de découvrir la culture, mais aussi la vision du monde d’un peuple. Marie Barguirdjian a couvé ce projet pendant 10 ans avant de le voir naitre. Le résultat est magnifique et nous plonge instantanément dans ce commencement poétique du monde. L’écriture, à la fois riche et toute simple, traduit avec grâce la mysticité de la légende ; le ton envoutant et les personnages intrigants collent par ailleurs parfaitement à l’esprit. Et, pour ajouter à la finesse de cette écriture, François Thisdale offre des illustrations fascinantes, des tableaux qui expriment tout le mystère et la magie qui émanent du texte. Les couleurs allant de bleus profonds au noir des ombres tranchent avec le blanc du corbeau, celui du trait clair qui s’échappe de la petite boite ou encore la barbe du grand-père, seul gardien du secret. Quelques gros plans insistent d’ailleurs sur cette blancheur au cœur de l’obscurité, soulignant l’expression des personnages dans les moments clés de l’histoire. Un album réussi, brillant et lumineux.
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