Fans de la vie impossible

Billet rédigé par Patrick Isabelle, auteur et libraire

Tout d’abord, il y a Jeremy qui doit retourner à l’école St-Francis après s’être absenté pendant un long moment. Il est refermé sur lui-même et préfère passer ses heures de lunch dans le bureau de Peter, l’enseignant qui l’a aidé à se sortir d’un moment difficile, plutôt que de le forcer à se mêler aux autres.

Puis il y a Mira, la nouvelle élève qui vient de faire son entrée à St-Francis et qui tente de retrouver un semblant de vie normale. Elle aurait préféré ne pas retourner à l’école et passer ses journées avec Sebby, son meilleur ami, son allier, son pilier, celui sur qui elle peut toujours compter quand les idées noires reviennent à la surface.

Sebby, c’est ce jeune homosexuel qui semble se foutre de tout. Extraverti et enjôleur, il erre dans la ville au lieu d’aller à ses cours. Mais il ne faut pas que Tilly, sa mère d’accueil, l’apprenne, sinon il se retrouvera en centre. Pour passer au travers de sa vie difficile, il s’accroche à Mira, avec qui il entretient une relation fusionnelle et salvatrice.

Lorsque Jeremy se retrouvera sur le chemin de Mira et Sebby, ces derniers le prendront en affection et décideront d’en faire leur ami, leur protégé. À trois ils seront mieux outillés pour affronter la vie et tous les problèmes qu’elle leur apporte. Mais l’amitié n’est jamais simple et, bientôt, Jeremy se retrouvera pris entre son attirance pour Sebby et les non-dits de Mira, qui ne le laisse pas indifférent non plus.

Fans de la vie impossible est un roman complexe destiné aux jeunes adultes et abordant plusieurs thèmes de front, comme l’homosexualité, la dépression, la toxicomanie et le désir d’être différent. La lecture n’est pas difficile, mais demande une certaine aisance avec les narrations multiples.

Mon avis

J’ai eu peur, au début, de me retrouver devant un roman rempli de clichés et de déjà-vu, une autre histoire d’un jeune troublé qui se fait « sauver » par deux amis marginaux et extravagants. Même le chapitre de la danse d’automne m’a fortement rappelé une scène presqu’identique dans le très bon « Le monde de Charlie ». J’ai quand même poursuivi ma lecture parce que l’écriture de Kate Scelsa m’est apparue efficace et que le récit est construit originalement. En effet, chaque chapitre se concentre sur le point de vue d’un de trois personnages principaux et est écrit sous un pronom différent. Avec Jeremy, on est à la première personne du singulier, avec Mira, à la troisième personne du singulier tandis que les chapitres de Sebby sont écrits au « tu », ce qui donne une dimension spéciale à chacun d’eux.

Il n’y a pas d’intrigues vraiment palpitantes au cours du roman, mais au fil des pages, on en apprend toujours un peu plus sur le trio principal et sur les événements passés dont ils ne semblent pas pouvoir se détacher. L’amitié et les liens qui unissent les trois personnages sont touchants et rendent la lecture agréable et lumineuse. Bien qu’ils puissent paraitre unidimensionnels au départ, Jeremy, Mira et Sebby se complexifient au fil du récit et on finit par s’attacher à eux.  

J’ai aimé que l’homosexualité soit décrite dans ce roman comme étant tout à fait normale. Pas de drame, pas de larmes, pas de coming out difficile. Juste la vie! Outre Sebby et Jeremy, le lecteur croise  aussi des lesbiennes assumées et deux parents gais qui tentent de supporter leur fils du mieux qu’ils peuvent à travers son adolescence. Mais Fans de la vie impossible n’est pas un roman sur l’homosexualité. C’est un roman sur le mal de vivre qui s’abat sur trois jeunes imparfaits tentant de survivre du mieux qu’ils peuvent avec leurs travers.

La traduction m’a fait grincer des dents à quelques endroits, mais ça n’enlève rien au  plaisir que j’ai eu à me plonger dans ce roman. Il ne réinvente rien mais saura plaire à son public cible par son intelligence et son originalité.

Merci à Gallimard pour le roman!