Louis a onze ans, mais il en connait beaucoup sur la vie. Parce que sa mère est toujours inquiète pour tout, apeurée par les microbes, les inconnus, la vie, depuis qu’ils ont quitté la campagne pour ce petit appartement en ville avec une vue « imprenable » sur les voitures et les camions. Parce que son père, noyé dans son chagrin et l’alcool, ne sait plus se tenir. Parce que son petit frère, surnommé Truffe et fan de James Brown, compte sur lui. Mais Louis ne sait pas du tout comment approcher Billie, une fille de son école dont il est follement amoureux. Heureusement qu’il a Boris, son meilleur ami…
Deuxième opus du duo formé de Fanny Britt et Isabelle Arsenault, Louis parmi les spectres est un roman graphique qui parle de famille, de courage, d’amour et d’alcoolisme et offre un récit aussi relevé du point de vue de la langue que des illustrations.
On l’a attendu longtemps après le petit miracle de Jane, le renard et moi ce nouveau livre, mais l’attente en valait la peine. Le duo Britt/Arsenault est au sommet de son art avec ce roman graphique qui parle du passage de l’enfance à l’âge adulte et offre une perspective plus masculine que leur œuvre précédente. Encore une fois, le choix du noir et blanc et des touches de couleurs ajoutent au sens du récit, à sa portée. Ce sont les détails qui font tout, tant dans les pointes de couleur que dans l’écriture qui varie selon les personnages. Ces derniers sont terriblement authentiques, nuancés, remplis d’émotions. Cette séparation si douloureuse décrite admirablement par Fanny Britt et si bien mise en scène par Isabelle Arsenault est entre autres d’un réalisme renversant.
« Je ne savais pas que l’amour c’est comme une roche qui vous explose le cœur, qui fait mal autant qu’il fait vivre, et qu’il nous donne envie de fuir en même temps qu’il nous empêche de le faire. Ce que je savais, c’est que la plupart du temps, ça finit mal. »
Et Louis en sait quelque chose, lui qui voit son père boire, pleurer, se mourir d’amour et ne pas pouvoir vaincre sa dépendance. Lui qui ne trouve pas le courage pour aborder Billie, ce point de lumière dans l’album, « Billie parle très peu. Je pense que c’est parce que les autres la déçoivent tellement qu’elle en perd l’usage de la parole ». Avec elle, l’auteure et l’illustratrice font encore la belle part aux livres dans leur récit. Sans trop appuyer, elles montrent de nouveau comment ce médium peut amener « ailleurs », ouvrir les portes.
Au fil des cases, des changements de perspectives, des petits bijoux d’illustrations et des perles de poésie, l’histoire se tisse, enveloppe le lecteur, l’emmène ailleurs. C’est beau, puissant, et on referme cet album le cœur un peu chamboulé, les yeux ravis… Merci.
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