Une fille de...

Hanna court. Sur la ligne verte, route gazonnée qui traverse la ville, elle avale les kilomètres, racontant son histoire. Celle de sa mère d’abord, jeune fille amoureuse qui s’est fait promettre le monde pour se voir vendue, agressée. Puis la sienne, celle de la fille de… celle qui endure les chuchotements, les regards lubriques, celle qui tente tant bien que mal d’avoir une vie normale. Celle qui n’ose pas tomber amoureuse parce que cela la mettrait en danger. Parce qu’elle devrait tout raconter.

Publié dans la collection D’une seule voix aux éditions Acte Sud, ce court roman de Jo Witek se lit en effet d’un souffle, comme un monologue précieux auquel il faut être le plus attentif possible. Dur, parfois cru, mais jamais vulgaire, ce récit peut rejoindre tous les lecteurs.

Mon avis

« La honte a une odeur, la misère aussi et ce sont celles de ma mère. Pourtant, elle est coquette, élégante, maman, c'est son métier qui pue. C'est la lâcheté des humains qui pue. »

Jo Witek s’attaque à un sujet difficile et nécessaire et le fait avec beaucoup d’intelligence, à la fois dans le fond et dans la forme. En effet, la construction du récit participe à la force de frappe du récit. Des passages en italique s’intercalent entre le récit que fait Hanna à propos de sa vie et de sa mère et prennent un tout autre sens dans les dernières pages, rendant les propos encore plus touchants.

Au fil de l’histoire, Jo Witek fait réfléchir ses lecteurs sur les femmes qui vivent de la prostitution et leurs enfants, sur le rapport de la société en général sur les femmes. Si certains passages sont trop appuyés (le message passe bien par le récit, il n’est pas nécessaire de souligner la morale), il y a beaucoup d’humanité dans ce récit, beaucoup de finesse dans la façon de rapporter les pensées d’Hanna, de raconter la vie d’Olga. De la tristesse aussi, parce qu’on ne peut qu’être empathique devant cette histoire de femme brisée. De la compréhension, finalement. Et une ouverture d’esprit qui, on espère, se transposera dans la vie réelle.

Merci aux éditions Acte Sud pour le roman et à Pierre-Alexandre Bonin pour la révision du billet!