Sous l'eau qui dort

 
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Jean-François Tremblay a adoré ce livre

Billet rédigé par Jean-François Tremblay, enseignant

À Dentown, un bled du Wisconsin, des évènements étranges ont coutume de se produire. Lorsque le mal frappe, la plupart s'entendent pour accuser celles que l'on appelle les sorcières, deux soeurs et leur enfant, bannies du village une dizaine d'années plus tôt. Elles auraient dû partir, on les avait chassées, mais elles demeurent, en retrait, dans leur cabane près du lac. Alors, lorsqu'un enfant se noie mystérieusement dans ce lac, lorsqu'une toux inexplicable affecte la population, lorsque les arbres se décomposent en cendres noires, le trio maudit est pointé du doigt. Mais si seulement les villageois savaient ce que le docteur Swampson et quelques autres ont découvert...

Sinon, la vie continue. Il y a ce vieux Preston, torturé dans son lit de mort par sa vieille femme et son fils quadragénaire. Il y a John Stillman, le mal-aimé que tout le monde ignore au lycée. Il y a Claudia Strafford, la plus belle et plus populaire fille de l'école. Il y a le narcissique Gabriel Constantine, le fils du patron, et sa richesse éhontée… Ce qui éveillera encore les soupçons, c'est quand le mourant se relèvera subitement, avec soif de vengeance, quand John Stillman deviendra le garçon le plus populaire de son école et aura toutes les filles qu'il désire, quand Gabriel sera ruiné du jour au lendemain, quand Richard Tyler mourra soudainement devant toute sa classe en panique. C'est là où tout risque de chavirer. En quoi les sorcières et le lac peuvent-ils bien être responsables de tous ces évènements inconcevables?

Sous l'eau qui dort est un roman psychologique d'horreur pour adolescents avertis. Centré autour du thème de l'acceptation sociale et de ses possibles dérives, il intègre, tout au long de sa trame, de fortes doses d'horreur, de suspens, de crimes, de méchanceté et de fantastique. De par le traitement de ces sujets, donc, mais aussi par la complexité du récit, qui suit une multitude de personnages en parallèle, l'auteure française N.M. Zimmermann s'adresse ici à un lectorat mature et expérimenté.

Mon avis

Sous l'eau qui dort marquera sans doute longtemps mon esprit. Au fil de ma lecture, j'étais à la fois fasciné et dégouté. Il y a d'abord la finesse, la sensibilité et l'esthétisme de la plume de l'auteure. Celle-ci a un don pour mettre en relief les éléments clés des scènes, qui saisissent le lecteur par le réalisme qu'ils créent ainsi. Mais bien qu'esthétiques dans leur forme, les scènes n'ont rien de joli : N.M. Zimmermann, avec un narrateur omniscient, plonge sans retenue dans les pensées les plus viles et les plus sombres de ses nombreux personnages. L'hypocrisie et la faiblesse humaines y sont mises à jour, chacun tentant de légitimer tant bien que mal toutes sortes de pensées tordues et de contradictions qu'il vit. Je souligne par exemple John, l'éternel soumis à l'humiliation, qui bout de plus en plus à l'intérieur et qui usera de violences graves quand le vent tournera. Des voix intérieures de deuxième niveau des protagonistes sont d'ailleurs constamment présentées dans le texte, en italique.

« – Toi, Claudia Strafford, la reine de beauté du lycée, celle avec qui toutes les filles les plus populaires veulent être vues, celle avec qui les mecs les plus riches veulent sortir, tu sais ce que je ressens?

– Mais… ils veulent juste parce que je suis populaire, pas pour moi, protesta-t-elle, sentant la culpabilité enfler dans son estomac.

N'était-ce pas ce que tu voulais? C'est bien ça que tu as toujours cherché, Claudia.

– Je m'en contenterais, dit [John] avec un reniflement de mépris. Ces imbéciles rampent à tes pieds. On se fiche de savoir pourquoi ils le font : il n'y a pas de bonne raison à ça. Tu n'as aucune idée de ce que c'est d'être à ma place, aucune, martela-t-il.

Il était conscient qu'il était en train de perdre la seule personne qui lui adressait la parole depuis des semaines. Mais c'était si bon de se voir saigner dans les yeux de quelqu'un d'autre.

Claudia détourna la tête, incapable de regarder en face ce qu'elle avait vu pendant des années en se dévisageant devant le miroir. »

Ce qui sort de l'ordinaire du roman, c'est qu'on ne s'attache pas vraiment à qui que ce soit. Au mieux, c'est de la pitié et de la compassion que l'on ressent, mais toujours teintées de dégout envers l'égoïsme des pensées. C'est par moment assez troublant, surtout par le réalisme du ton, qui nous ramène souvent à nos propres sentiments. Et l'on se met ainsi à souhaiter la vengeance de l'un envers un autre, qui nous semble plus abject. Puis rapidement, on assiste, impuissant, à l'escalade de haine et de violence que causent toutes ces petites vengeances personnelles, entre autres excitées par les hommes de pouvoir, qui paraissent blancs comme neige. Les mystères s'expliquent. Certains regrets poignent. Mais malheureusement, il commence à se faire tard, et, inexorablement, les dommages s'amplifient.

Jusqu'au bout, Zimmermann maintient le mystère, et conclut avec une longue finale dans les bois où le suspens est à son comble. J'ai terminé le livre impressionné par sa force, malgré le gout amer qui me restait en bouche face à la bêtise et l'injustice des hommes. Mais après tout, n'est-ce pas pour cela que j'ai ouvert ce roman d'horreur psychologique…


Billet corrigé par Antidote 9 juste avant d'être publié par Jean-François Tremblay le 15 novembre 2017.

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N.M. Zimmermann
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