Le prince sauvage et la renarde

Billet rédigé par Marie Fradette, spécialiste en littérature jeunesse

Sauvage est le plus rustre et le moins éduqué des princes, une bête humaine détruisant tout sur son passage. Assoiffé de sang, irrespectueux de tout et de tous, il est la honte du Royaume et aucune princesse, malgré sa richesse et son statut, ne s’intéresse à lui.

« Un jour qu’il traquait un cerf, il s’égara loin du château. La poursuite dura longtemps. Tue ! Tue ! criait le prince Sauvage en galopant à perdre haleine. Il força tant sa jument qu’à la fin elle tomba raide morte sous lui. Il en fallait davantage pour décourager le prince […] Soudain, il y eut un claquement terrible, suivi d’un cri plus terrible encore. Le pied botté du prince s’était pris dans l’un des pièges à loup qu’il avait lui-même posés à l’automne. »

C’est dans cette forêt profonde, prisonnier des dents de métal, qu’il fera la rencontre d’une renarde. Sa présence quotidienne saura transformer, humaniser ce Sauvage.

Jean-Philippe Arrou-Vignod rejoue ici les grands thèmes du conte merveilleux là où les animaux parlent, où le plus fort en prend pour son rhume, là où le temps et les lieux inconnus nous transportent instantanément et agréablement loin de notre monde.

Mon avis

C’est avec beaucoup de grâce que le célèbre auteur – à qui l’on doit notamment la série « Enquête au collège » et le très captivant roman d’aventure Mismy Pocket et les enfants sans nom – nous plonge ici au cœur d’un univers lointain, d’un Royaume dans lequel un prince sans foi ni loi ne se doute pas de ce que la vie peut lui réserver. Les thèmes du courage, de la persévérance, de l’humanité, du respect se joignent à la mise en scène de personnages entiers, forts et vrais, le tout présenté dans une langue riche et un ton inspiré de celui des contes de fées traditionnels.

Présenté en grand format, l’album fait une place de choix aux illustrations de Jean-Claude Götting, celui-là même qui – pour ceux qui ne le sauraient pas – a illustré la série Harry Potter dans sa version française chez Gallimard. Le trait large et gras et l’utilisation du contour noir renforcent le caractère des personnages tout comme définissent l’atmosphère des décors. On sent facilement la froideur de la forêt en hiver à travers les tons de bleu et inversement sa chaleur et sa douceur grâce aux différentes utilisations du vert. Le jeu réalisé avec les perspectives, variant selon l’action, et les différents angles accentuent par ailleurs l’émotion et l’action déjà bien palpables dans le texte.

Un conte nouveau écrit à l’ancienne à découvrir pour renouer avec la richesse du genre.