Marianne n’a rien dit. N’a laissé filtrer aucun indice si ce n’est ces coupures qu’elle s’infligeait parfois et que sa psychologue a qualifiées de comportement passager. Mais ce soir, son « vague à l’âme a des allures de raz-de-marée » et elle s’ouvre les veines, seule dans sa chambre.
Seulement, alors que la vie quitte son corps, trois fantômes lui rendent visite. L’actuel, qui l’emmène voir ses proches pleurer sa mort, celle qu’elle était enfant, qui lui parle de ses rêves, et celle qu’elle aurait pu être, qui lui raconte une version possible de son futur. Et tout puissant soit le malêtre de Marianne, peut-être que ces prises de conscience lui feront voir les choses autrement.
Jocelyn Boisvert ose un sujet encore très difficile, presque tabou, avec ce roman, parlant ouvertement de suicide et ouvrant son roman composé de courts textes par une scène crue, sans détour. Accessible, ce livre s’adresse toutefois bien entendu à un public avisé.
Jocelyn Boisvert a écrit Un dernier songe avant le grand sommeil en réponse au suicide de la fille d’un ami. Il lui a alors semblé nécessaire de prendre la parole pour s’exprimer, pour parler de ce suicide à des lecteurs et, peut-être, permettre à ceux qui vivent une détresse semblable de prendre du recul, de sortir un court instant de l’entonnoir de leurs pensées pour regarder autour d’eux : leurs proches, leurs rêves, leurs multiples futurs possibles. De leur offrir une occasion, qui sait, de changer d’idée.
S’il y a deux ou trois moments où j’ai trouvé le récit un peu moralisateur, j’ai surtout été frappée par la force de l’évocation. Le Jocelyn Boisvert qu’on est habitué de lire, avec son humour toujours présent et ses jeux de mots, disparait ici complètement derrière le personnage de l’adolescente. On est dans un récit sérieux, poignant, auquel on croit. Un de ceux qui restent en tête longtemps et qui, on l’espère, pourrait faire changer d’avis des gens aux prises avec des raz-de-marée, des tempêtes intérieures dont ils n’ont pas l’impression qu’ils pourront sortir. Un texte nécessaire, à laisser trainer un peu partout.
Le petit plus ? Les illustrations magnifiques de Rogé, en couverture, d’abord, et puis au fil des chapitres. Une touche de poésie supplémentaire.
Sophielit est partenaire des Librairies indépendantes du Québec (LIQ). Cliquez ici pour plus d'informations sur ce partenariat.
Nouveau commentaire