Manu attend impatiemment que la journée d’école finisse pour retrouver ses jeux vidéos. Unam, lui, aimerait bien ne plus être enfermé à la maison et pouvoir retourner à l’école. Manu ne trouve du bonheur que dans les jeux de guerre sur son écran, qu’en accumulant les morts devant lui. Unam souhaite que son père, parti chercher à manger, ne tombe pas sous les balles qui s’échangent, là, juste de l’autre côté de la porte. La nuit aura pour les deux une couleur très différente.
Avec une grande sensibilité et grâce à une construction miroir permettant au lecteur de découvrir les contrastes entre les deux récits, cet album montre le gouffre terrible qui existe entre Manu et Unam, entre un enfant vivant en zone de paix et un habitant en zone de guerre. Bien que ne s’adressant pas explicitement aux adolescents, cet album a une grande charge émotive, tant dans le contenu que dans la forme, et aura aussi un impact chez les grands.
Cet album coup de poing a gagné la semaine dernière le Prix espiègle - primaire, remis par l’association des bibliothécaires scolaires à des œuvres percutantes qui pourraient peut-être être censurées étant donné les thèmes abordés. Il fallait absolument que j’en parle ici parce que cet album est d’une grande force et interpelle tant les petits que les grands.
Marie-Francine Hébert confronte la réalité d’un enfant vivant en zone de guerre et un enfant occidental, mettant en opposition les vies des deux enfants, mais aussi les différentes définitions qu’un mot peut avoir selon les réalités. Parce que « guerre » et « mort » ne signifient pas du tout la même chose pour Manu et Unam, ils n’ont pas la même saveur. Est-ce moralisateur, comme album ? L’auteure évite ce piège et, plutôt que de faire la morale (même si on appuie tout de même sur le non-sens du jeu vidéo), suscite la réflexion sur notre quotidien. Chaque moment est finement choisi, permettant de mettre l’accent sur les différences : l’école, la faim, le rapport aux parents, la sécurité.
Le jeu des couleurs de Jean-Luc Trudel est aussi à souligner, l’illustrateur privilégiant les couleurs sombres qui permettent aux éclats de feu de ressortir, par les craques de la maison d’Unam, de la serrure (cette couverture est juste parfaite) de sa maison ou de l’écran de Manu. Il donne ainsi encore plus d’impact aux mots de cet album qui reste longtemps en tête.
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