Billet rédigé par Marie Fradette, spécialiste en littérature jeunesse
« Devant son impeccable manoir, l’impeccable Horace Pink fait pousser des roses. Des milliers et des milliers de roses. Des blanches, des rouges, des jaunes, des oranges, des bleues et même des roses. Toujours parfaitement alignées. Toujours les plus belles qui soient. » Il a bien sûr en horreur les mauvaises herbes et s’applique à désherber afin que rien ne vienne briser cet ordre, cette perfection florale.
Sa fille, peinée de voir autant d’herbes et de fleurs rejetées, décide de récupérer les petites pousses et de créer un jardin, « Le paradis des mauvaises herbes de Rosie Pink” ». Pissenlits, coquelicots, chicorées, son petit coin s’étend rapidement et s’enrichit toujours de nouvelles variétés. Jusqu’au jour où une rose apparait à travers les autres fleurs. Horrifiée, elle tente de la déloger, mais rien n’y fait. Horace Pink, béat devant de beauté, changera sa façon très rigide et voir les choses.
Didier Lévy – que l’on a pu lire notamment dans La louve et l’Anglais – livre ici avec finesse et singularité un album sur le thème de la différence et du respect. L’ouverture à l’autre prend le dessus sur la rigidité du père, sur cette volonté de tout contrôler et de gérer la nature – la vie – selon une seule perspective. Si les plus jeunes pourront s’intéresser à l’idée de se jardiner une petit paradis, les plus grands seront sensibles à cette notion de diversité et d’imperfection.
Didier Lévy a cette façon ici de nous mener vers des sentiers nouveaux, nous offrir un angle encore inexploré. L’idée d’utiliser la rose, cette fleur mythique et reine de toutes les fleurs, afin de déconstruire l’idée de la perfection est tout à fait brillante. L’opposition entre la rigidité du père et la candeur de la fillette souligne par ailleurs la beauté de l’enfance, cette façon d’accueillir le monde les bras ouverts, sans jugement, sans aprioris. Pour elle, toutes les plantes se valent et méritent qu’on en prenne soin. Pour lui, seule la rose modelée à sa façon, selon sa vision du monde, ses critères en vaut la peine.
À ce texte écrit avec simplicité, alliant dialogues et narrations, Lisa Zordan offre des illustrations colorées qui enveloppent le récit. Son trait réaliste, la présence de nombreux détails, la variété des angles et perspectives apportent rythme au récit, l’accompagnent tout en nous menant plus loin, nous faisant découvrir la richesse de cette Nature qui se doit d’être respectée telle qu’elle est. Un bel album à découvrir sous le feuillage d’un peuplier ou dans un champ fleuri.
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