« Monsieur Martin aimait la tranquillité. Boire son café dans le calme, lire son journal sans bruit… faire une petite sieste en paix. » L’homme habitant dans une coquette maison en plein cœur d’une ville animée, le bruit reste son pire ennemi. Sortant la tête dehors, il s’époumone ainsi à demander à la foule de garder le silence. Mais comment un homme seul peut-il venir à bout du brouhaha quotidien des citadins ?
N’y tenant plus, il court chez le marchand qui lui vend un produit magique, très cher, mais peu importe après tout, car, se rappelle t-il, ne dit-on pas que le silence est d’or ? De retour chez lui, il installe ainsi son produit qui isole sa maison dans une immense bulle bleue impénétrable. Si le calme et l’écho du silence sont au départ bienfaiteurs, ils deviennent rapidement source d’angoisse et de solitude.
Dans un album qui s’adresse à tous, petits et grands, Céline Claire – qui nous a donné le magnifique L’abri paru chez Comme des géants – explore le thème de la solitude, mais aussi et surtout ceux de l’entraide, de la collectivité et de la vie en communauté.
Avec Silence !, Céline Claire offre un album lumineux qui permet de lever le voile sur cette impression de bienêtre qui nous tient pourtant isolé chacun dans nos solitudes. Monsieur Martin, à l’instar de la faune qui s’agite dehors, a pourtant aussi besoin des autres. Le silence lui plaît un instant, mais le village qui grouille de vie lui manque rapidement.
Si l’histoire brille par cet esprit de communauté, par la délicatesse de ces gens qui seront attentifs au malheur de monsieur Martin – c’est d’ailleurs un enfant qui découvrira son problème – le texte est d’autant plus brillant que Claire s’amuse à jouer avec la langue, manipulant les expressions entourant le mot « silence », jouant habilement avec le champ lexical. « Le bruit se répandit que monsieur Martin était emmuré dans son silence […] Il souffre en silence […] Il faut briser le silence ! » peut-on lire. Elle crée par ailleurs des figures d’opposition notamment entre le silence des voisins, devenus soudainement muets au moment où la bulle explose «en vingt mille morceaux dans un vacarme d’enfer. »
Les illustrations de Magali Le Huche – qui a notamment illustré La tribu qui pue paru à La courte échelle – jouent par ailleurs pour beaucoup dans ce décor festif. Avec son style caricatural, ses lignes impures, elle met en scène une foule excentrique, colorée tout en contraste avec le décor sobre et blanc de l’appartement de Martin. La solitude et le silence qui emprisonnent l’homme sont d’ailleurs palpables dans ces scènes où la bulle bleue qui isole la petite maison détonne au centre de la ville devenue momentanément blanche. C’est tout un monde qui s’agite dans cet album grouillant de vie, ode aux humains qui s’amusent, vivent et forment au final « une petite musique, la petite musique de la vie ».
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