Jack est un vieux matelot, solitaire, vivant en autarcie sur son bateau. Il lit. Il fume la pipe. Beaucoup. Si on peut penser qu'il est d'humeur à savourer tranquillement la fin de sa vie, on se détrompera. Jack, il y a longtemps, a perdu son fils chéri. Tombé du bateau, Julos a fini dans le ventre de la baleine grise à nageoire dorsale.
Honteux, Jack ne peut se résoudre à retourner auprès de sa douce et avouer le malheur. Il préfère plutôt consacrer toute son énergie à errer, en tentant de retrouver l'infâme baleine. Il ne pourra – ou refusera de? – vivre en paix tant qu'il n'aura pas retrouvé Julos.
Jack et le temps perdu est le deuxième album de Stéphanie Lapointe chez XYZ, après Grand-père et la lune. Ce texte grand public, écrit en vers, aborde les thèmes du bonheur, de l'amour, du temps et de l'espoir. Plus jeunes et plus vieux pourront être touchés par la puissance et la douceur de l’évocation du bonheur trouvé puis perdu, sur cette quête d’une vie comblée.
Quel splendide livre! C'est ce que l'on se dit d’abord en tenant dans nos mains Jack et le temps perdu. Les illustrations sont belles et frappantes, les premières lignes accrochent. Les vers de Stéphanie Lapointe, écrits librement, s'agencent parfaitement aux états d'âmes des personnages alors que les couleurs de Delphie Côté-Lacroix oscillent entre le blanc, le noir, le gris, et amplifient les émotions de l'histoire. L'éloquence des dessins impressionne, appuyant sur les mots les plus forts de chaque page. Et comme lecteur, ce n'est pas long qu'on est totalement enveloppé dans l'atmosphère créée.
J'avoue que j'ai particulièrement et rapidement accroché sur le personnage de Jack, ce solitaire cultivé, qui semble se contenter du peu qu'il a. Seul sur la mer. La surprise est d'autant plus grande quand on comprend que, loin d'être un homme heureux, il a une obsession, que l'on devine tranquillement. S'ensuit le retour dans le passé, où Jack vivait épanoui, avec Julos et la femme qu'il aimait. Ce passage, aussi furtif que magnifique, ne rend que plus douloureux le retour à la solitude. Retour à la case départ, donc, mais dans une toute autre ambiance. L'espoir peut-il agir sur soi comme un poison?
« Cela
aurait brisé
n'importe lequel
d'entre nous. »
Une fois le livre refermé, celui-ci reste ancré en soi. On saisit la beauté et la force de cette fable sur l'amour, la famille, et le temps qui passe. Ce temps qui peut parfois cruellement nous éloigner les uns des autres, ou de soi-même, par amertume, par peur de décevoir, ou par égo. Tout n'est pas clair, et c'est tant mieux ainsi. L'album laisse place à plus d'une interprétation, à plus d'une direction de pensées. Il résonnera différemment en chacun. J'ai laissé passer plusieurs semaines entre ma première et ma deuxième lecture et, chaque fois, il m'a transporté dans une douce et intense méditation sur la vie. Assurément, le plus jeune comme le plus vieux lecteur pourra, grâce à Jack et le temps perdu, apprécier davantage le temps présent – ne serait-ce que celui de sa lecture!
Sophielit est partenaire des Librairies indépendantes du Québec (LIQ). Cliquez ici pour plus d'informations sur ce partenariat.
Nouveau commentaire