Pilleurs de rêves

 
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Billet rédigé par Jean-François Tremblay, enseignant

Dans un futur pas si lointain, les catastrophes écologiques et planétaires se succèdent. L’humanité est décimée, les villes sont abandonnées, des guerres pour l’eau font rage, les côtes sont inondées. Les survivants, en s’adaptant, ne construisent pourtant pas un monde meilleur; au contraire, ils en créent un encore plus brutal, où la décadence va jusqu’à les empêcher de rêver. Un antidote est cependant élaboré grâce à la moelle des autochtones. La chasse est ouverte!

Devant l’ampleur de la menace, Frenchie et ses confrères autochtones tentent de fuir vers le nord pour échapper aux Recruteurs, ces employés du gouvernement. Ceux-ci traquent et capturent tout membre des Premières Nations. L’adolescent de 16 ans, qui a perdu ses parents et son frère, rencontre des compagnons de route qui deviennent une véritable famille. Il y a des enfants, d’autres jeunes, la superbe Rose, le chef Miig, et l’ainée Minerva. Le petit clan doit s’unir envers et contre tout s’il veut résister aux nombreux dangers qui le guettent dans la forêt. C’est plus que sa survie personnelle que chacun vise ainsi : il ne s’agit de rien de moins que du salut de leurs peuples.

Pilleurs de rêves est un roman post-apocalyptique aux allures dystopiques écrit par l’écrivaine ontarienne métisse Cherie Dimaline. Publié originalement au Canada anglais en 2017, il a remporté le Prix littéraire du Gouverneur général avant même d’être traduit en français. La violence de certains dialogues et passages en font un livre qui convient à un public mature et averti de 16 ans et plus.

Mon avis

Dès le premier chapitre, le lecteur comprend l’intensité du suspens que promet Pilleurs de rêves. Alors que les Recruteurs traquent Frenchie et son frère Mitch, ce dernier utilise tout son cran pour se livrer avec fracas et ainsi permettre à son protégé de fuir. Frustration, tristesse et désarroi de voir son frère disparaitre dans un pensionnat; haine envers les Recruteurs et le gouvernement; violence des mots et des idées… voilà quelques émotions que Frenchie partage avec les lecteurs. Personne ne sera ménagé dans cette histoire! Décidément, Pilleurs de rêves marque par l’obscurité de certaines scènes. Quelques passages font surgir de fortes émotions négatives. D’autres, une profonde répugnance face à un manque d’humanisme et face à une violence sauvage. D’autres encore sont simplement écoeurants, comme la scène qui raconte le viol de Wab, une fille du groupe de Frenchie.

Une telle violence est-elle nécessaire? La question est légitime, mais, la dureté des évènements et des propos m’a toujours ici semblé justifiée par la quête d’authenticité : l’histoire nous enseigne en effet la possibilité de telles dérives humaines. De surcroît, l’auteure sait doser l’implicite et l’explicite afin que le tout demeure digeste pour un lecteur mature. Il en va de même pour l'occasionnelle vulgarité de la langue, qui sonne à mes oreilles plus juste à la réalité des personnages que déplacée. J’ajouterais que ce qui est particulièrement bien réussi de ce récit dystopique, c’est qu’il s’appuie sur le véridique génocide culturel perpétré par le gouvernement canadien aux 19e et 20e siècles à l’encontre des peuples autochtones, pour proposer une fiction future de ce qu’un groupe majoritaire serait prêt à faire à l’encontre d’autres pour « assurer sa survie ». Je parle ici des pensionnats, où plusieurs vies ont été volées. De grandes questions humaines se profilent ainsi. Frenchie lui-même semble perdu : « Étaient-ils si différents de nous? Aurait-on agi comme eux si on avait eu à choisir? […] Qu’est-ce que j’aurais fait, moi, pour sauver mes parents ou Mitch si j’en avais eu la chance? »

Rassurez-vous, il n’y a pas que du laid et des émotions fortes dans ce roman! La riche tradition autochtone révélée dans le récit présente assurément des qualités universelles et positives de l’humain. Dans un monde où la peur des autres est synonyme de survie, c’est sur l’ouverture et l’espoir que Frenchie et sa bande souhaitent miser. Dans un groupe où les plus petits et l’ainée ralentissent les plus forts, c’est l’entraide qui sort gagnante. Justement, l’auteure illustre brillamment l'importance de l’apport des ainés en société, particulièrement celui des femmes, qui diffère de la vigueur de la jeunesse : les femmes transmettent les histoires qui servent de repères et qui permettent d'exister. Sans coopération et sans souci des plus faibles, le groupe mourrait. Et dans ce noir univers, le lecteur assiste même à des amours naissants, dont un qui concerne directement Frenchie et la jeune Rose. Cherie Dimaline peut-elle réellement réussir à jongler avec tant de hauts et de bas de l’humanité? Je vous assure que oui, et avec brio!

« Comment les choses pouvaient-elles aller si mal quand un tel moment de grâce existait? »

Clairement, cette auteure métisse est à découvrir!

Merci à Boréal pour le roman!

Billet corrigé par Antidote 9 juste avant d'être publié par Jean-François Tremblay le 29 mai 2019.

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