En septembre 1939, les Allemands envahissent la Pologne en trois semaines. Les nazis implantent rapidement leurs lois racistes, de plus en plus opprimantes. Misja, un jeune Juif, voit la misère grandir autour de lui dans le ghetto de Varsovie – cet espace délimité de la ville qui sert en quelque sorte de prison. Il s'initie d'abord au trafic pour mieux manger et nourrir sa famille. Mais devant son impuissance face aux tragédies qui continuent et s'amplifient et face aux morts innombrables, le jeune homme se fait ensuite offrir une alternative. Et s'il prenait plutôt part à un soulèvement armé?
« Nous ne nous battions pas pour la victoire. Nous nous battions pour mourir avec dignité. »
Les couleurs du ghetto est un roman graphique de l'auteure flamande Aline Sax et de l'illustrateur Caryl Strzelecki. Relatant l'établissement du ghetto de Varsovie et son quotidien durant la Deuxième Guerre mondiale, le livre n'évite pas l'horreur qui en découle, mais demeure supportable pour les jeunes. De par cette violence historique, il convient à un lectorat de 12 ans et plus.
Mon avis
Misja, impuissant, assiste à la persécution de ses concitoyens juifs, à leur entassement, à la faim, à leurs maladies. Il essaie d'aider les siens à survivre en volant de la nourriture, mais quand il voit comment la mort frappe, violente, impitoyable, il préfère se faire plus discret, quitte à renier ses convictions. C'est peut-être en quelque sorte cela, le pire des drames, de se sentir déshumanisé. Comment donner un sens à sa vie lorsque l'insensé devient maitre? La volonté se fait en effet bien petite devant la peur et le désespoir qu'imposent les nazis.
Puis, la déchéance se poursuit. Il y a un drame familial. La déportation commence. Et Misja est témoin d'un meurtre aussi inutile que cruel. « Que reste-t-il ainsi à espérer? » semble-t-il alors se demander. Comme s'il fallait toucher le fond pour mieux se relever, l'authentique Mordechai Anielewicz, leader du soulèvement du ghetto de Varsovie, lui offre alors de se joindre à la résistance. C'est la force de ce groupe qui redonnera au garçon sa volonté et le sens à sa vie. Il faut continuer à faire le bien et à combattre la haine, malgré la mort que cela pourrait précipiter. Les adieux jamais formulés à ses parents, quelques heures avant l'insurrection, sous-entendent lourdement et implicitement cette résignation : vivre dignement et en mourir vaut surement mieux que vivre prudemment, mais stérilement. C'est ce message qui semble porter l'auteure jusqu'à la fin de son récit. Quoiqu'on en sorte en partie abattu, c'est surtout l'émerveillement devant ceux qui ont refusé de tourner le dos à l'humanisme qui ressort.
Somme toute, Les couleurs du ghetto constitue un efficace premier contact pour ceux qui voudraient en apprendre plus sur ces pages incontournables de la Deuxième Guerre mondiale. L'auteure en dresse un court, mais assez complet portrait. Le tout est fluide, la tension est palpable. La justesse et la force de l'œuvre sauront également toucher les initiés. D'ailleurs, la brièveté de certaines phrases jumelée aux superbes et explicites illustration contribuent incontestablement à cette force. Le blanc sur le noir alterne avec le noir sur le blanc. Tout cela a pour effet de ralentir notre lecture et de donner plus de poids aux mots. Les couleurs du ghetto est franchement bien réussi!
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