Il y a Victor, fils malheureux d’une famille de gangsters, qui expie sa culpabilité de braquer des banques en étant bénévole dans un service téléphonique d’aide aux victimes.
Il y a Yazel, jeune adolescente sourde de douze ans qui, depuis la mort tragique de ses parents, vit dans une demeure somptueuse, mais dénuée d’amour sous le joug d’une tante trop préoccupée par elle-même.
Un soir, Victor est envoyé cambrioler une maison qu’il croyait vide et tombe nez à nez avec Yazel. Cette dernière n’a pas peur, mieux, elle reconnait en lui une occasion et lui propose un marché : elle lui ouvre le coffre-fort et lui permet ainsi de donner à son père ce qui lui a promis et, en échange, il les amène, elle, les deux urnes contenant les cendres de ses parents, ses appareils auditifs hors de prix et son journal intime jusqu’en Bulgarie. C’est tout à fait improbable. Et pourtant, il y a dans cette rencontre quelque chose qui donne envie à Victor d’essayer. C’est ainsi qu’ils prennent la route, lui, jeune adulte un peu paumé, elle, presque enfant déjà décidée, comme frères et sœurs, d’une famille qu’ils auraient choisi de se constituer.
Avec ce roman psychologique aux allures de road-trip, Coline Pierré parle de ces hasards de la vie qui fait qu’on se retrouve parfois dans des situations qui ne nous ressemblent pas, du courage qu’il faut pour s’en sortir et s’imaginer autrement, de ces rencontres qui viennent nous donner l’impulsion de départ. Long, mais rythmé par l’alternance de points de vue, ce roman s’adresse aux lecteurs intermédiaires et avancés.
Je martyrise les livres que j’aime. Je corne chaque page qui contient une phrase ou un passage particulièrement bien tourné, inventif, marquant. Une phrase qui m’a fait rire, qui m’a fait pleurer, que j’ai envie de retranscrire sur mon mur de citations ou encore de partager. Des perles d’auteurs.
Si je devais faire un pourcentage, 80 % de mes livres sont intacts. Pas parce qu’ils ne sont pas bien écrits, mais aucune phrase n’attire suffisamment mon intérêt en elle-même. 14 % ont une pliure. 5 % en ont deux ou trois. Et il reste ce 1 %. Ces livres pliés dans tous les sens. Complètement martyrisés. Le dernier en date est ce livre-ci un petit bijou, tant dans le fond que dans la forme. En fait, Nos mains en l’air est plus que juste une suite de jolies phrases. Dès les premières pages, j’ai ressenti quelque chose de fort, de puissant se dégager du récit. Dans la douceur de Victor, son amour pour les hérissons, sa façon bien à lui d’expier ce que son père le force à faire, son aspect décalé du monde. Dans l’acuité de Yazel aussi, dans la force de ses constats, dans le vide immense qu’on sent dans son ventre. Je n’ai pas que plié les pages de ce livre. Je les ai dégustées une par une, telle une « glace mi-chaude ». J’ai ralenti ma cadence habituelle, j’ai pris mon temps. Fait des pauses, respiré… pour laisser vivre les personnages dans ma tête encore plus longtemps. Au final ? Un grand coup de cœur.
Et parce que je n’ai pas été capable de choisir, voici quelques morceaux épars pour vous donner une idée…
« Je ne sais pas où vous êtes maintenant, dans le ciel ou sous la terre, dans l’eau peut-être (après tout, s’il existe, pourquoi le paradis ne serait-il pas un océan turquoise, puisque c’est le paradis ?), si vous passez vos journées à faire du trampoline dans les nuages, si vous êtes réincarnés en chats ou en plantes vertes, ou bien juste devenus de la poussière ou du caca de ver – peu importe, je suis prête à me convertir à la première religion qui vous fera revenir –, mais si jamais vous m’entendez et que vous avez ce genre de pouvoirs, je voudrais vous demander un petit quelque chose, un service, un seul : SORTEZ-MOI D’ICI ! Merci. »
« Maintenant, Yazel aimerait bien que les fantômes de ses parents viennent hanter sa chambre. Mais cette maison est trop sèche pour être hantée par autre chose que le néant. Les fantômes vont là où il y a des cœurs qui battent. »
« Mon corps est composé à soixante pour cent d’eau et à quarante pour cent de culpabilité. »
« Je suis combattive parce que c’est tout ce que je possède. »
« Il va falloir qu’il cesse d’être tout le temps ému. »
« La spontanéité empêchée rend le silence plus consistant, se dit Victor, on cesse de le remplir avec du bruit inutile. »
« Yazel ne sait pas trop si c’est son environnement qui change ou si c’est elle, mais quelque chose dans l’air est devenu différent. Comme si la place qu’elle s’était laborieusement cousue dans le tissu du monde n’était déjà plus à sa taille. »
« Les contours de Victor lui semblent plus nets ce soir, comme s’il s’était débarrassé d’une écorce un peu encombrante et laissait apparaitre sa vraie peau. »
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