« Elle savait que le Jardin Sauvage existait depuis bien longtemps ; au cours des siècles, il s’était développé, avait trouvé son équilibre… D’autres gens qu’elle y avaient déjà vécu des aventures, l’avaient parcouru, exploré et modifié. À chaque changement de visiteur, son histoire évoluait, comme un spectacle qui évolue avec l’arrivée de nouveaux spectateurs. Non, pas des spectateurs : des comédiens. Elle était la Protectrice, et son rôle, c’était de faire que le spectacle ne tourne pas à la catastrophe.
— Pour le moment, c’est plutôt mal parti, soupira-t-elle. »
C’est d’abord pour fuir l’arrivée de son père dans cette nouvelle maison qu’elle n’aime pas que Violette s’enfuit dans le jardin… et découvre une forêt extraordinaire qui est cachée aux autres humains, mais qui s’éveille en sa présence. Rencontrant des loups, des bonshommes de pierre, des sapins vengeurs et d’autres créatures imaginaires, Violette apprend qu’elle est la nouvelle Protectrice de ce jardin qui, malgré sa beauté, recèle aussi de nombreux dangers. Avec Pavel, son chien et fidèle destrier, ainsi qu’avec l’aide des complices qu’elle rencontre en cours de route, Violette devra accomplir différentes quêtes et faire confiance à son intuition pour vaincre les nombreux périls qui l’attendent, tant dans ce monde caché que dans sa vie bien réelle…
Ce livre à la croisée entre Narnia, Alice aux pays des merveilles, L’Histoire sans fin et tant d’autres classiques allie un récit d’aventures dense et de magnifiques illustrations à l’encre signées Jean-Baptiste Bourgois. Complexe, demandant de croire en ce monde et de s’y immerger – un peu comme Violette – durant ses plus de quatre-cents pages, ce roman vise les grands lecteurs, dès 11 ans.
Mettant le courage, l’intelligence, l’entraide et l’amitié de l’avant, ce récit d’aventures est un véritable joyau, à la fois pour le récit, les illustrations et pour l’objet en lui-même (on ne le dit pas assez, mais la couverture, le choix du papier, etc. participent à l’expérience de lecture). Pour ma part, dès que Pavel s’est mis à parler en entrant dans le jardin et que Violette ne semble pas plus surprise (d’ailleurs elle lui demande de la vouvoyer puisqu’elle a toujours rêvé qu’on s’adresse ainsi à elle), dès que les premiers personnages du jardin ont fait leur apparition, je suis tombée sous le charme de cette œuvre qui a aussi un petit gout de Tobie Lolness (oui, les comparaisons pourraient être encore nombreuses avec les classiques de la littérature jeunesse), mais qui a développé une personnalité propre et mérite qu’on reconnaisse son originalité. D’après moi, ce livre sera lui-même une référence de ce type bientôt, notamment grâce à la plume éblouissante et juste de Paul Martin. Il y a un souffle imaginaire, une candeur et une tendresse dans le récit, mais aussi une force dans le texte qui se dévoile en multiples niveaux puisque l’épopée de Violette dans la forêt fait écho à sa réalité, ce qu’elle vit en compagnie des êtres fantastiques étant lié à son milieu familial, pour le moins perturbé.
Mais si la réalité a aussi sa place, c’est le monde que découvre Violette – héroïne forte et émouvante – qui vole la vedette tant il déborde de trouvailles, chaque nouvelle rencontre de la jeune fille nous permettant de faire la connaissance d’êtres extraordinaires que les illustrations aident à mieux visualiser sans brimer notre imaginaire. Les lignes sont fines, on est plus dans l’esquisse qu’autre chose, ce qui est bienvenu dans ce type d’univers dont chacun peut se faire sa propre représentation.
C’est un livre que j’ai lu lentement (d’ailleurs il est divisé en plusieurs parties et j’ai chaque fois fait une pause), à la fois pour le savourer et pour l’intégrer. Ce n’est en effet pas du tout le type de lecture qu’on dévore, mais une aventure qui demande à nous habiter un peu, longtemps. Un livre à lire et relire, d’ailleurs.
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