Quelqu'un m'attend derrière la neige

À la veille de Noël, Freddy Angelo est au volant de son camion de glaces, traçant la route entre Gênes et Londres, engoncé dans sa solitude. Voici cent jours que personne ne lui a vraiment adressé la parole. Et s’il n’a pas envie d’aller faire sa livraison, et devoir traverser Calais, endroit devenu si difficile pour les camionneurs, il n’a pas plus envie de retourner dans sa maison vide.

Gloria vole dans la même direction. Alors que les hirondelles sont habituellement complètement indifférentes aux humains qui circulent sous elles (« Elles n’ont que trois points cardinaux dans le triangle minuscule de leur tête : le nid, les petits, la survie »), silhouettes minuscules, Gloria, elle, en est bien consciente depuis qu’elle a percuté un vitrail et qu’elle n’a survécu que grâce aux bons soins d’un jeune garçon aux yeux noirs, comme elle. L’hirondelle ne sait pas pourquoi elle file vers le nord, mais elle sent qu’elle doit y aller. « Quelqu’un m’attend derrière la neige » continue de répéter une petite voix en elle.

Et si leur destin était de se croiser ?

Avec ce conte de Noël ancré dans l’actualité, mais aussi intemporel, Timothée de Fombelle s’adresse à tous les lecteurs. Les petits ne comprendront peut-être pas tout, mais ressentiront l’essentiel. Les plus grands profiteront de toute l’intelligence du récit et seront forcément touchés par sa force. Un chef d’œuvre, rien de moins, qui se concentre sur le plus important en ce temps des Fêtes : l’esprit de Noël.

Mon avis

C’est à voix haute que j’ai découvert cet album et j’en suis vraiment heureuse parce que j’ai pu savourer aussitôt (et d’autant plus) la musicalité du texte. C’est d’abord cet aspect qui frappe, l’art de Timothée de Fombelle de jouer avec les mots et les phrases pour créer une véritable musique du récit. Les premières pages sont plus opaques, il y a cette histoire d’hirondelles qui ne savent pas vraiment pourquoi elles migrent et n’en ont rien à faire des humains, mais on persiste parce que ça reste beau et qu’on sent qu’il y a là quelque chose d’important, de prometteur.

Puis il y a les illustrations, fortes, sombres, sobres aussi, mais porteuses, parce que réalistes, de Thomas Campi. Tantôt sur une page, tantôt en double-page, elles pointent l’essence du texte et donnent vie aux détails. Le regard triste de Freddy, les lettres rouges de son camion, la boite à lait de Gloria, les clochers des églises.

Et, finalement, le texte en lui-même se dévoile, quand les fils du départ se croisent, révélant une histoire empreinte d’humanité. Difficile d’en parler plus sans mentionner des détails qui ont tellement plus de saveur s’ils sont découverts peu à peu, au fil du récit, mais disons que la construction est particulièrement brillante. Et que la finale émeut. Esprit de Noël, vous dites ?

Vraiment, c’est mon nouvel album coup de cœur pour les grands, pour parler du monde qui nous entoure et qui part parfois en vrille, de réalités difficiles, de solitude, mais aussi, et surtout, d’humanité.