La belle histoire d'une vieille chose

Billet rédigé par Véronique Cloutier, enseignante au secondaire passionnée d'albums

C’est dans un magnifique album empreint de nostalgie que Louis Émond nous raconte l’histoire d’une vieille chose; une vieille voiture en décrépitude abandonnée au milieu d’un champ. Dès les premières lignes, la voiture s’adresse à nous et nous fait comprendre que, contrairement aux apparences, elle n’est pas seulement ce vieux tas de ferraille que nous avons sous les yeux.

« Me vois-tu? Là, au milieu du champ? Rongée par la rouille, sans roues, avec un seul phare, me vois-tu? En fait, tu crois me voir. Mais tu ne me vois pas. Pas vraiment. Car ce tas de tôle tordue, trouée, tachée, ce n’est pas moi. Pas vraiment. Moi, je me sens encore brillante, belle et neuve… »

Nous sommes alors transportés dans son passé, depuis le moment où elle est achetée par Thomas et qu’elle parcourt ses premiers kilomètres. Elle nous racontera alors les plus beaux moments de sa vie : les sorties au cinéparc, une rencontre, un mariage, les escapades avec les enfants, mais aussi les ennuis mécaniques, l’arrivée d’une nouvelle voiture, le second souffle, puis la dernière balade… celle qui s’est terminée dans ce champ où nous la trouvons au début de l’histoire.

Cet album, au texte simple et accessible pour les jeunes lecteurs, est d’une profondeur qui saura assurément toucher et interpeler les plus vieux. Il y a ici de quoi susciter de belles réflexions avec nos plus grands sur le vieillissement, celui qui nous attend tous et qui apporte souvent dans son sillage la grande solitude dont nous témoigne la voiture.

Mon avis

Impossible, en lisant cet album, de ne pas faire le parallèle avec les personnes âgées. Ces grands oubliés qui, après une vie entière à tout donner, finissent souvent bien seuls dans un centre pour ainés. Ces gens dont l’histoire, pourtant si riche, n’intéresse malheureusement plus personne.

« Tout a une histoire. C’est ce que je me suis dit en apercevant, au milieu d’un champ, la carcasse d’une voiture très ancienne dévorée par la rouille. Mais ce n’est pas ce que je me disais quand, autrefois, j’apercevais une personne âgée. Pour l’enfant que j’étais, cette personne avait toujours été comme ça, vieille… Maintenant, je sais qu’il n’en est rien. Tout a une histoire. Surtout les vieilles choses. »

C’est le frisson que m’a donné la lecture de cet incipit qui m’a convaincue d’acheter cet album. Pas besoin d’en lire davantage, j’étais déjà conquise. Vous dire comme je n’ai pas été déçue! Je suis complètement tombée sous le charme du style d’Émond. Ses mots sont simples, ses phrases sont courtes; certaines ne contiennent même pas de verbes, mais ce sont ces toutes petites phrases qui viennent justement frapper droit au cœur. La narration à la première personne est par ailleurs très efficace, parvenant parfaitement à nous faire ressentir le sentiment d’abandon qui, à l’instar de la rouille, ronge la voiture.

Cependant, la beauté de cet album grand format ne réside pas que dans son texte. Il faut également souligner le travail incroyable de Steve Adams. Le fond sépia, le choix des couleurs, les contours non définis, les traits de pinceaux parfois effacés… tout dans les illustrations renforce la douceur et la nostalgie qui émane de ce livre magnifique où le texte et les images sont en véritable symbiose.

Bref, cet album est un véritable bijou, une ode à la vie et à ses petits et grands moments qui en font toute la richesse.

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