Dans une chambre, il y a Marla. Marla qui ne sait parfois plus qui elle est, qui valse entre les époques de sa vie et les souvenirs, seule dans cette maison quand Peggy n’est pas de passage pour lui amener à manger et s’assurer qu’elle va bien, quand son fil Donal ne vient pas la réprimander pour un tout et un rien, éteignant ce qu’il reste de vie en elle. C’est la maison de Marla, mais parfois ce n’est plus clair.
Dans l’autre chambre, tapie sous le lit quand il y a des visiteurs, il y a Allison. Ou Toffee. Selon si elle est elle-même ou celle que Marla imagine. Allison qui a fui son père après un dernier épisode violent, incapable de retrouver son ex-belle-mère, qui s’est réfugiée dans une cabane au bout d’un jardin, puis a fait la connaissance de Marla. Et a compris que Marla a besoin d’elle autant qu’elle a besoin d’un refuge.
Entre le quotidien, des oublis de Marla et les souvenirs trop présents d’Allison, les deux femmes se comprennent, se font du bien, s’offrent l’une à l’autre un peu de lumière.
D’une grande sensibilité, ce roman en vers aborde les thèmes de l’Alzheimer et de la violence familiale à travers deux personnages féminins d’une grande force. Pour tous les lecteurs.
« Même un truc simple, tu t’arranges pour le rater, il a dit.
Je fais de mon mieux, j’ai dit.
Il a levé la main quand j’ai répondu, et puis il a changé d’avis.
Tu m’aides pas à t’aimer, tu sais, Allie.
Il y avait des moments où il avait pitié. »
Sarah Crossan, encore. Sarah Crossan et sa magie, sa façon de raconter le quotidien, de le décomposer en multiples petits moments, de filer ses métaphores, de faire surgir l’émotion au détour d’une phrase. Ici, elle nous présente deux personnages en perte de repères, qui deviennent le temps de quelques jours, semaines, mois, le pilier de l’autre. Si Marla ne peut pas se reconstruire, Allison, elle, doit avoir le temps d’apaiser ses brulures, de panser ses plaies, de s’extraire du trou dans lequel son père l’a enfermée, de se faire confiance et de se choisir une nouvelle voie. Encore une fois, l’autrice anglaise montre que la forme poétique et son économie de mots peut être d’une force redoutable quand vient le moment de parler des sentiments, de dérouler le fil d’une histoire sensible. C’est un livre qui happe et qui prend aux tripes, deux personnages qui restent en tête même une fois que les pages sont refermées. Douce Marla, forte Allison.
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