Bienvenue à Hamelin, ses ruelles sombres, son clocher, ses porteurs d’eau, ses rats et… son joueur de flute. Vous pensiez tout connaître de cette histoire ? Flore Vesco risque bien de vous prendre de court en faisant du célèbre conte un roman d’aventure jubilatoire !
Flore Vesco prend des libertés avec Le joueur de flûte de Hamelin, nous livrant une version alternative du conte d’origine. Pas d’inquiétude, vous retrouverez bien les rats, les villageois, leurs enfants et le joueur de flûte ; mais pas dans les rôles où vous les attendiez. Le rôle principal revient en effet à Mirella, une jeune fille rousse de quinze ans, porteuse d’eau de son état, qui semble bien être la seule à avoir repéré l’homme en noir qui rôde près de ceux que la peste est sur le point d’emporter…
Dès 11 ans, les lecteurs.rices apprécieront l’univers immersif et l’intrigue addictive de ce livre entre récit d’aventure, roman historique et conte moderne. Tout ça en 200 pages à peine !
Quelle manière merveilleuse – subversive, réjouissante, moderne – de revisiter l’un des contes les plus célèbres du canon des bibliothèques enfantines !
Subversive, car ici, le plus célèbre dératiseur de tous les temps se fait prendre de vitesse par une jeune fille. Pleine d’aplomb et de discernement, Mirella est aussi une incarnation vibrante de la liberté et de l’émancipation, dont la trajectoire incroyable a passionné toute ma famille. Puisque les contes ont toujours une morale, il y en a une ici, mais concoctée à la sauce de l’autrice : « Laissez les jeunes filles danser et, parées ou dévoilées, circuler dans la cité, ou bien il pourrait vous en coûter. Suivez les enfants inconscients, qui jamais ne doutent, n’hésitent ni ne tremblent. Et méfiez-vous des contes. Qui sait, derrière ces badines historiettes, quelles terribles vérités sont cachées ? »
Réjouissante, car Flore Vesco écrit dans une langue fleurie qui évoque un vieux français digne des meilleurs passages du film Les visiteurs, teinté de termes germaniques puisque l’intrigue nous entraine au creux du St Empire. L’autrice nous ravit également en donnant de l’épaisseur à l’histoire, prenant le temps de brosser des personnages et un Moyen-Âge hauts en couleurs : de l’organisation politique à l’hygiène en passant par les rites et superstitions, tout est tellement évocateur qu’on a l’impression d’y être. Et si effroyable, restitué avec tant d’ironie, que la lecture en devient… réjouissante. « Et le prêtre de raconter les vies et les exploits de saint Hilarion et sainte Rictrude, qui fatiguaient leurs bourreaux, pouvant passer des heures à endurer les coups de pique en gardant le sourire, soupirant d’aise lorsqu’on les rôtissait sur le grill, changeant eux-mêmes de côté afin que leur chair soit partout dorée et craquante. »
Moderne tant ce détour par le Moyen-Âge donne à penser aux misères et turpitudes contemporaines : qu’il s’agisse de la domination masculine, de la chasse aux sorcières et de la recherche de boucs émissaires, des superstitions, des épidémies ou des effets de foule, les parallèles sont troublants et entre deux éclats de rire, cette lecture donne beaucoup à réfléchir à ses lecteurs. Le détour par un passé lointain permet finalement d’évoquer des choses parfois très dures qu’il serait difficile d’aborder frontalement avec des plus jeunes.
Nous n’avons fait qu’une bouchée des aventures de Mirella qui ont été un grand moment de lecture à voix haute. Après avoir ri et pleuré de la noirceur du Moyen-Âge, le dénouement de l’histoire a été véritablement jubilatoire.
Un roman émancipateur, pétillant d’intelligence et débordant de vérité, à découvrir sans hésiter. Avec toutes ces qualités, pas étonnant qu’il ait remporté le prestigieux Prix Vendredi l’année dernière !
Pour retrouver Isabelle sur son blog : L'ile aux trésors
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