La rose du Hudson Queen

Billet rédigé par Jean-François Tremblay, enseignant

Attention! Ce roman est la deuxième histoire du gorille Sally Jones. Même si elle se lit indépendamment, je vous invite à commencer par Sally Jones. 

Quelque temps après la fin de sa première aventure, Sally Jones profite de la quiétude de Lisbonne avec son meilleur ami Henry Koskela (le Chef). Ils partagent leur temps entre des petits boulots entrepris pour payer les réparations de leur fidèle bateau, le Hudson Queen. Quand le Chef commence un nouvel emploi qui l’envoie en mer pour plusieurs semaines, Sally Jones accepte l'offre d'un certain Harvey Jenkins et se met à travailler comme mécanicienne d'un manège dans une fête foraine. Devrait-elle se méfier de cet homme? Certains indices l'inquiètent. Le forain n'a pas semblé surpris, lorsqu'il a fait connaissance avec le Chef, de la présence d’un singe à ses côtés; cela est inhabituel. De plus, alors qu'il prétend passer ses nuits chez une amourette, Sally Jones le surprend, un soir, à fouiller le Hudson Queen. Qu’y cherche-t-il?

Grâce à leurs amis Ana Molina et Signore Fidardo, Sally Jones et le Chef – à son retour du Brésil – ne tardent pas à découvrir le secret de Harvey Jenkins. Mais ce dénouement devient plutôt le déclencheur d'une nouvelle aventure, qui les mène à Glasgow, en Écosse. En partant à la recherche d'une enfant disparue il y a plusieurs décennies, le duo finit par tomber sur la pègre locale, qui, par chantage et intimidation, les emmaillote dans ses viles besognes.

La Rose du Hudson Queen est le deuxième roman traduit en français de l'auteur et illustrateur suédois Jakob Wegelius. Il convient à tout public.

L'avis de Jean-François

Je trouve qu'il n'est pas facile de vanter un roman jeunesse sans enfants – ou presque –, dans lequel le personnage principal est une gorille muette. Cela a de quoi surprendre et rebuter. La question à se poser : sommes-nous à ce point conservateurs? Si vous n'avez jamais lu le premier livre sur Sally Jones, je vais vous dire ce qu'on m'a répété plusieurs fois avant que je sois convaincu et que je rabâche depuis à mes élèves : faites-moi confiance et essayez-le! Vous reviendrez ensuite, heureux, lire cette critique.

Comme pour le premier roman de Jakob Wegelius, un fort et doux sentiment d'émerveillement émane de La rose du Hudson Queen. L'auteur a vraiment le don pour écrire des histoires qui nous exposent et nous rappellent la beauté des joies simples de la vie, comme l'amitié, un tour de bateau, une chanson ou le bonheur d'un repas partagé. Il y a quelque chose dans l'humanisme du récit, dans la profondeur des personnages et dans la richesse de leurs errances qui est difficile à décrire, mais qui se ressent pleinement en dévorant les pages des aventures de Sally Jones. Heureusement, j'ai retrouvé ce sentiment avec ce nouveau livre, même si je l’ai vécu moins fortement qu'avec le précédent – ce qui explique ma « faible » cote de 4/5.

La surprise principale avec ce roman est le plongeon dans le monde du gangstérisme de l'entre-deux-guerres. À l'instar de Sally Jones et du Chef, le lecteur se sent frustré et découragé d'être pris dans les griffes des mafieux, mais, contrairement aux protagonistes, il savoure pleinement les situations explosives inhérentes au crime organisé : racket, recel, prêts sur gage, intimidation et menaces, trafic, règlements de compte, vols, enlèvements, etc. Ce que j'ai apprécié de l'ensemble, par ailleurs, c'est que l'auteur ne tombe jamais dans une glorification irréaliste de la mafia, fréquente dans les oeuvres de fiction. Son souci de réalisme se remarque aussi dans chacune des pages du livre, qu'on sent écrites – et traduites – avec grande précision. Chaque fois que je sentais poindre une incohérence, elle se dissipait dans les lignes suivantes, fluidement. Franchement, la plume de l'auteur est admirable, par son style, son imagination et son propos.

En bref, même s'il n'égale pas son prédécesseur, La Rose du Hudson Queen est assurément une très belle et douce lecture à s'offrir!

Merci aux éditions Thierry Magnier pour le roman!