« S’ils le pouvaient, mes parents m’emballeraient dans du papier bulle »
Hémophile, Hortense voit son quotidien chamboulé à la moindre blessure depuis son enfance. Pour passer le temps, elle dessine et regarde l’encre transpercer sa feuille, comme si cette œuvre surprise, inversée, lui révélait une autre vision d’elle-même. Ce qu’elle voudrait surtout, c’est devenir karatéka et laisser s’exprimer la férocité bien présente en elle, mais elle ne peut le faire qu’entre les murs de sa chambre, à l’abri des regards et des dangers. Du moins jusqu’à ce que « le » moment survienne. Parce que si les premières menstruations représentent une étape anxiogène pour toutes les adolescentes, pour Hortense, c’est encore plus compliqué et ça se transforme en catastrophe. Mais si les fleurs que le sang laisse sur son pantalon lui offraient l’occasion de montrer à tous sa nature de ninja ?
« Je veux être dans le monde, au risque de me blesser. »
Papier bulle est un album dans lequel le fond et la forme se répondent et qui parle d’hémophilie, d’affirmation de soi et de menstruations ! Publié dans une collection « adulte », il peut rejoindre aussi les adolescents !
J’avais de grandes attentes en commençant cet album hors norme et je n’ai pas été déçue, bien au contraire.
Il y a le texte de Simon Boulerice, bien sur, qui reste dans son registre habituel et parle des petites anecdotes de la vie avec poésie tout en mettant en lumière une personne différente avec une tendresse que l’on sent entre chaque ligne. Inspiré par sa première (et seule) blonde, l’auteur a créé un personnage à multiples dimensions qui cherche à dépasser les limites qu’on lui met de par sa condition. Tantôt doux, tantôt incisif, son regard sur la vie est inspirant.
Toutefois, il y a aussi et surtout les illustrations extraordinaires d’Eve Patenaude, qui parviennent à sublimer le texte. Il faut dire que les deux créateurs ont travaillé ensemble, Simon Boulerice ayant été fasciné par la technique du bleeding utilisée par sa cousine (oui, oui, c’est une histoire de famille), il a créé un texte qui y serait intimement lié. Le fait que l’encre des feutres à l’alcool traverse le papier est par ailleurs mis en valeur dans cet album, l’envers des dessins étant laissé apparent sur chaque page de gauche. Eve Patenaude est aussi parvenue à sublimer l’essence du texte, qui parle finalement beaucoup de sang, à travers des fleurs. Chaque planche devient ainsi une œuvre d’art (à l’endroit et à l’envers), ce qui fait de ce livre un véritable objet précieux, que j’ai lu une première fois avec plaisir, mais dans lequel je me replongerai souvent !
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