« Deux choses, je le savais, deux choses étaient et sont toujours mon droit : la mort et la liberté. La mort, c’était certain, elle viendrait me trouver un jour. La liberté, elle, je devais la prendre. Elle était mon droit. Et de mon vivant personne ne me la reprendrait! »
Harriet Tubman est née esclave. Sa liberté, elle l’a gagnée au péril de sa vie. Elle aurait bien pu s’arrêter là, profiter tranquillement de sa nouvelle vie pleinement méritée, mais non. À peine arrivée sur la Terre promise, le nord des États-Unis, elle s’enrôle dans la Société contre l’esclavage de Pennsylvanie et devient « conductrice de train » pour le Chemin de fer clandestin, l’Underground Railroad. Ce chemin de fer, il n’existe pas réellement. C’est une métaphore, un message codé. Les trajets représentent en fait les routes sures que les esclaves peuvent emprunter pour s’enfuir, les conducteurs sont ceux qui guident les fugitifs qu’on appelle tantôt la marchandise, les passagers ou les colis puis les stations avec leur chef de station sont les maisons et leurs habitants qui se trouvent le long du chemin de fer et qui servent de refuges le temps d’une halte.
Cet album retrace donc, à travers la voix d’Harriet, l’histoire du Chemin de fer clandestin et de tout le mouvement de résistance qui y est associé et qui a largement contribué à la lutte pour l’abolition de l’esclavage.
C’est d’abord l’aspect visuel qui frappe. Premièrement parce qu’il s’agit d’un album grand format. D’ailleurs, bien que vous ayez entre les mains un album, ne rangez pas votre signet trop loin lorsque vous vous attaquerez à ce bijou contenant près de 100 pages… il se peut fort bien que vous ne passiez pas à travers celui-ci du premier coup. Mais ceux et celles qui connaissent un peu l’œuvre de l’illustratrice Justine Brax savent bien que la force visuelle du livre ne réside pas que dans son format. Si on reconnait la signature artistique des illustrations magnifiques, lumineuses et colorées auxquelles l’artiste nous a habitué.e.s dans ses livres comme Fils de dragon ou Pirate de cœur, elle mélange ici différents styles. On retrouve aussi dans l’album des illustrations plus sobres, réalisées au trait de crayon sur fonds d’aquarelles. Le contraste entre les deux styles permet de venir souligner les parts d’ombre, mais aussi de lumière qui se dégagent de cette partie très sombre de l’Histoire. En effet, si on nous raconte ici l’esclavagisme aux États-Unis, on met aussi en lumière toute la force, le courage et la résilience de ceux et celles qui ont lutté contre cette grande injustice.
Cela m’amène à vous parler du texte. Je ne sais pas si je qualifierais davantage cet album d’autobiographie fictive ou de documentaire. Quoi qu’il en soit, le travail de recherche de Jennifer Dalrymple a été très bien mené. Peut-être est-ce parce que je ne connaissais pas beaucoup ce pan de l’Histoire, mais j’ai énormément appris à travers ma lecture. La mise en page du texte, collé dans des encadrés sous des intertitres, renforce l’aspect documentaire du livre. C’est d’ailleurs ce que je pensais avoir entre les mains quand j’ai feuilleté pour la première fois l’album. L’autrice ne manque pas de citer des sources ou d’avoir recours à des notes de bas de page pour pousser un peu plus loin ses explications ou pour présenter un personnage historique un peu plus en profondeur. On retrouve également, ici et là, des extraits d’ouvrages, de lettres, de discours, de chansons et d’articles. Par contre, la narration à la première personne est un choix judicieux qui donne une belle fluidité à notre lecture et casse cette impression de documentaire. Je me suis vraiment sentie comme si Harriet Tubman m’avait prise par la main au début du livre et ne l’avait lâchée qu’à la toute fin, après m’avoir fait découvrir son histoire et celle des nombreuses personnes qui ont croisé sa route. Ainsi, même si le livre regorge d’informations historiques, il ne s’en dégage aucune lourdeur et le choix de narration y est pour quelque chose.
Bref, on a entre les mains un album poignant et nécessaire, écrit dans un style accessible aux plus jeunes, mais qui à mon avis, rejoindra davantage les plus vieux, tant de par sa longueur que pour son propos.
Sophielit est partenaire des Librairies indépendantes du Québec (LIQ). Cliquez ici pour plus d'informations sur ce partenariat.
Nouveau commentaire