« Nous, on n’a tué personne ! »
Comme il y avait un corps explosé sur le sol devant la résidence des Flamboyants, un inspecteur a été envoyé afin de déterminer les causes du décès. Dans la salle de classe qui accueille l’interrogatoire supervisé par la psychologue, il y a Claudius et ses paris incessants, Kenny qui maitrise mal son corps, Martial qui a décidé d'arrêter le temps, César qui ne veut pas être mis de côté et Samuel. Samuel qui comprend beaucoup plus que ce qu’il ne dit, mais qui est trop occupé à se taire pour parler.
Toutefois, au fil des questions, des dérapages, des confidences faites au compte-goutte, des sautes d’humeur de l’inspecteur, de la bienveillance de la psy, au fil de cette conversation qui part dans tous les sens, il se pourrait bien que des secrets inattendus se dévoilent…
Paru dans la collection « Beau et court » des éditions Sarbacane, qui présente jusqu’ici des titres brefs et originaux, ce récit d’Hubert Ben Kemoun mêle adroitement psychologie et suspens dans un roman porté par la voix naïve et pourtant très profonde d’un narrateur hors norme.
Quel chouette huis clos que celui dans lequel nous accompagne Hubert Ben Kemoun dans un style qui est surprenant, mais ô combien efficace.
La voix de Samuel est tout à fait juste dans sa candeur naïve ainsi que dans l’enchainement de ses idées. Il y a beaucoup de lucidité dans sa façon de raconter le monde, beaucoup de bienveillance aussi pour ses compagnons des Flamboyants, et tout ce qui se cache entre les mots, derrière les lignes et qui explique sa présence au centre.
Le quintette de pensionnaires est par ailleurs hyper attachant (même si Kevin et son habitude de se faire dessus jouent vraiment dans ce qui m’écœure personnellement). Chaque personnalité est bien définie et complémentaire aux autres, si bien que les conversations sont dynamiques, drôles et qu’elles rebondissent souvent vers des éléments inattendus… au grand désespoir de l’inspecteur. Il faut dire qu’Hubert Ben Kemoun est bien arrivé à rendre toute la complexité du langage de ces enfants/adolescents placés en institution, à la fois avec cette difficulté d’entrer en contact avec l’autre, de se faire comprendre (et respecter dans ce qu’ils sont), mais aussi ce langage hyperimagé qui est parfois encore plus clair que le français normatif.
« Elle est amourheureuse ! »
Le roman est court, c’est comme une parenthèse dans leur vie, un instantané, le temps de comprendre ce qui a mené à la mort, de disculper les personnages. En même temps, ce moment s’ouvre sur un passé plus complexe et est assez dense pour nous permettre de vraiment rencontrer chacun de ces garçons, de nous y attacher et d’avoir l’impression, en refermant la dernière page, d’avoir vécu un moment hors norme, à la fois touchant, percutant et amusant.
Superbe découverte !
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