La vie de Linus Baker était réglée comme du papier à musique. Consciencieux et timide, l’homme, un peu beige, se contentait de faire son boulot – s’assurer que les enfants spéciaux étaient bien dans les orphelinats qui les hébergeaient – de subir le mauvais caractère de sa voisine et de répondre aux caprices de son chat.
Mais voilà, tout change quand les Cadres Extrêmement Supérieurs l’envoient en mission secrète sur l’ile de Marsyas. D’abord parce que les enfants qui s’y trouvent sont plus particuliers (et terrifiants) les uns que les autres, ensuite parce que le directeur de l’établissement semble tout à fait hors norme et, finalement, car la carapace qu’il s’est formée craquèle de partout…
Prônant l’acceptation de soi et le vivre-ensemble malgré les différences, ce roman aux allures d’une brique littéraire emporte son lectorat dans une aventure remplie de bons sentiments qui parlera spécialement à celles et ceux qui n’ont pas encore complètement versé dans le cynisme !
Il y a de ces livres qui trouvent leur chemin jusqu’à nous même si de prime abord rien ne semblait nous y prédestiner. Celui-ci en est un de ceux-là. Parce que je ne connais pas ce que fait De Saxus, que j’étais dans une passe sans lecture, donc que l’idée d’une brique m’attirait peu, et que je ne cherchais pas vraiment autre chose. Mais voilà, je suis entrée dans la librairie Raffin, j’y ai fait la connaissance d’une très gentille libraire et… je suis ressortie avec ce livre de T.J. Klune.
Que j’ai mis du temps à aimer, disons-le. Attirer le public jeunesse avec un personnage principal quarantenaire complètement beige et routinier, ce n’est pas chose aisée. Mais il y a déjà dans les premiers chapitres un petit je-ne-sais-quoi d’éminemment mystérieux dans ce que Linus fait, dans la rigueur avec laquelle il accomplit ses tâches aussi, ce détachement qu’il semble avoir de lui-même et de ses sentiments. Le basculement qui se produit ensuite est donc d’autant plus efficace.
Son évolution est chouette à découvrir même si prévisible. En effet, le fonctionnaire qui ne réfléchit pas aux implications de ses actes et lit le livre des « Règles et règlements » pour se détendre devient en quelques centaines de pages un homme jovial, aventurier, prêt à prendre les armes pour celles et ceux auxquel.le.s il s’est attaché et même à lutter contre ses supérieurs. J’avoue que j’ai peu cru à la nature froide et rationnelle du départ. L’envie de Linus d’être entouré et son dévouement pour les enfants se sentent au départ, dans ses premiers rapports, dans son lien avec son chat, mais aussi avec sa voisine ou ses collègues. On sait tout de suite que l’homme a besoin de se sentir vraiment utile, qu’il regorge d’amour à distribuer. Il n’y a qu’à trouver à qui… et là, il ne sera pas en reste !
La grande force du roman vient en effet de la diversité des caractères présents sur l’ile de Marsyas où se rendra Linus. Chacun des enfants est particulier (c’est le moins qu’on puisse dire) et attachant à sa façon (coup de cœur pour Théodore et son amour des boutons, mais aussi pour Talia, la gnome des jardins, toujours prête à menacer Linus de l’enterrer vivant. On comprend tellement l’homme d’avoir craqué pour chacun d’eux (oui, oui, je vous assure)… surtout pour le directeur (et ses secrets). C’est en effet un roman très « queer » que celui-ci. Dans les profils divers (attendez de rencontres Chauncey), mais aussi dans les orientations de chacun, chacune des adultes présenté.e.s.
Le seul bémol ? N’espérez pas vraiment d’action. Oui, il y a quelques passages plus tendus, voire quelques « ennemis », mais ce récit, c’est surtout un voyage, une rencontre remplie de bienveillance et de douceur. Bref, un livre doudou (mais une grosse doudou quand même !). Lecture parfaite pour un mois de novembre gris !
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