Émergence 7

Cette journée-là, quand il attend le bateau pour se rendre sur le continent, Léon ne pense qu’à son déménagement, qu’à la difficulté de dire à ses ami.e.s de toujours qu’il les quitte et ne partagera plus leur quotidien. Mais ça, c’est avant les tremblements. Avant la terre qui se soulève, la vague gigantesque qui déferle et cet être, immense, terrifiant, qui sort de l’eau et écrase tout sur son passage. Avant que Léon et ses ami.e.s doivent lutter pour leur survie contre l’abomination, mais aussi ceux qui ont été envoyés pour l’éliminer.

Des dizaines d’années plus tard, Léon revient sur l’ile devenue un cimetière à ciel ouvert. Pour se souvenir, pour se rappeler tout ce qui s’est joué cette journée. Et parce qu’il espère que, peut-être, il y trouvera le courage de traverser le reste.

Avec ses illustrations en pleine page et ses personnages aux traits un peu enfantins, ce roman graphique pourrait donner l’impression qu’il vise un public assez jeune. Attention, c’est le contraire. Avec son action sanglante, mais aussi le regard que pose Léon, adulte, sur ce qui s’est déroulé ce jour-là, et sa rancœur face aux agissements des gouvernements pour éliminer la menace, ce récit cible un public plus âgé et averti.

L’avis de Sophie

Oh que ce livre m’a plu ! Et déstabilisée ! Parce qu’on a en effet peu d’indices sur ce dans quoi on s’embarque au départ, cette spirale qui nous pousse peu à peu vers l’inconcevable, de l’incompréhension à la perte, de ces deuils tous aussi brutaux les uns que les autres qui se suivent sans que les personnages puissent vivre leur peine, forcés de bouger, de s’éloigner, s’ils et elles veulent survivre, jusqu’aux conséquences, des années plus tard, de cette journée de l’horreur et de la façon dont les autorités ont voulu gérer les choses.

Ainsi, entre ce passé qui déboule à toute vitesse, il y a aussi le présent. Vincent Mondiot joue avec les rythmes, les états, rendant le passage de l’un à l’autre plus frappant. Adolescent, dans le feu de l’action, tout va vite, Léon n’a pas le temps de faire place à la douleur. Adulte, pris dans une brume qui alourdit tout, le ralentit, Léon donne l’impression que son cœur n’a jamais quitté l’ile et ses mort.e.s, ses disparu.e.s.

Je vous préviens, c’est un livre qu’on lit à la fois d’un souffle et pas. À la fois je ne voulais pas m’arrêter pour découvrir la suite, à la fois il m’a fallu parfois prendre le temps de respirer pour sortir de cette impression de huis clos persistante, cette noirceur où la seule lumière elle celle des incendies, des explosions, atmosphère si bien rendue par les illustrations d’Enora Saby, qui rappellent les univers mangas et jeux vidéos, mais portent aussi en elles toute la puissance du récit. Vraiment, c’est un ovni, oui, mais un ovni d’une grande qualité !  

Merci aux éditions Acte Sud pour le service de presse !