Quand elle dégote une vieille machine à écrire, Elmira sait tout de suite qu’elle l’utilisera pour rédiger des lettres à sa sœur, Linou, bébé mort-né cinq ans auparavant. Alors que ses parents pensent qu’elle a oublié cette petite sœur « cadeau de Noël », le vide reste entier, bien présent dans la tête et le cœur de l’adolescente. Mimi se dit donc qu’écrire l’aidera peut-être à le remplir. C’est ainsi que c’est à Linou, linoubliable, qu’elle explique comment ses parents ont surmonté leur deuil, ont pris des routes différentes, qu’elle raconte son amitié un peu folle avec Janice, son intérêt pour le nouveau voisin, le pianiste… qu’elle dévoile son monde peu à peu pour parvenir, qui sait, à mieux se comprendre elle-même et à faire la paix avec le passé.
Avec ce récit épistolaire où la typographie particulière crée une bulle autour des lecteur.rices, Lou Beauchesne parle de famille, de deuil et de résilience, mais aussi d’adolescence plus largement, d’amitié et d’amour. Pour tous et toutes.
Je me dois d’être franche avec vous en commençant cette chronique : je l’écris alors que j’ai lu et relu plusieurs fois Linoubliable puisque j’ai travaillé sur sa fiche pédagogique. Mon avis est donc teinté de ces lectures lentes et attentives, de ces activités à créer autour du livre. Au premier abord, j’ai tout de suite aimé la délicatesse du roman, la sensibilité de son héroïne et la charge émotive de la destinataire disparue. Mais ma première lecture, plus rapide, ne m’a pas permis de prendre conscience de tout ce que renferme ce roman.
Peut-être est-ce en effet un roman à lire doucement, un peu comme il s’écrit (à la machine, le rythme est fort différent !). On peut alors prêter attention à la façon dont la thématique de la mémoire a été traitée brillamment tout au long de l’histoire. La mémoire des souvenirs, que ses parents croient inexistante par rapport à sa petite sœur, eux qui ont dû combattre leur propre chagrin et n’ont pas vu celui de leur enfant, mais qui est aussi partielle, et on le découvre au fil des pages. Les mémoires qu’on se crée avec des souvenirs imaginaires, les « et si » tu étais encore là, tout comme celles qui s’ancrent tous les jours quand on vit et qu’on ressent des émotions fortes. Les mémoires qu’on échappe, avec, en parallèle d’Elmira et ses souvenirs, la maladie de sa grand-mère, qui perd peu à peu ses repères.
Ces parallèles sont chouettes à observer et, si mon préféré est celui de la mémoire, j’ai beaucoup aimé aussi le clash certain entre la douce et timide Mimi et Janice, sa meilleure amie, tellement exubérante et éclatante qu’on se demande comment ces deux-là ont pu se trouver. Mais le secret est dans les détails… et l’intrigue de Lou Beauchesne, simple de prime abord, révèle de nombreuses petites surprises, des échos qui viennent amplifier la trame narrative principale.
Bref, c’est un livre doux, en quelques sortes apaisant, peut-être pas pour celles et ceux qui privilégient l’action puisqu’on reste centré sur la psychologie, mais aussi une de ces œuvres qui méritent qu’on y prenne le temps. À découvrir !
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