« Comment aurait-on pu remarquer nos souffrances ou entendre nos appels à l’aide, quand nous ne pouvions rien faire de plus que chuchoter dans le noir ? »
Roumanie. 1989. Christian Florescu étouffe dans la Roumanie du couple Ceaucescu, où les murs ont des oreilles et où chacun peut être celui qui te poussera dans la tombe. Il y a son amour de l’écriture, ses rêves qui ne savent pas à quoi s’accrocher. Il y a son grand-père qui espère trop fort la révolution et pourrait les mettre en danger. Ses parents qui se tuent à la tâche. Sa sœur qui essaie de s’en sortir. La fille d’en face de qui il est tombé amoureux. Et entre ça, les trafics, les clients américains de sa mère et leur vie impensable, les interdits. Et quand un agent de la Securitade utilise le chantage pour le forcer à devenir à son tour informateur, Christian comprend que les Ceaucescu lui ont bouché toutes les avenues : l’honnêteté aussi.
Située à l’orée de la Révolution roumaine et pendant cette dernière, cette intrigue de la romancière passionnée d’Histoire Ruta Sepetys lève le voile sur la réalité des Roumains sous le régime totalitaire de Ceaucescu et de sa femme. Bien que dense et intense, cette lecture n’en reste pas moins accessible vu la brièveté des chapitres et le souffle qui la traverse.
Je le dis d’entrée de jeu, ce n’est pas mon roman préféré de Ruta Sepetys. Néanmoins, Si je dois te trahir reste un excellent livre, bien sûr, parce que cette autrice a quelque chose de magique. D’abord dans la voix qu’elle insuffle à ses personnages, ensuite dans son souci des détails qui fait qu’on peut complètement avoir l’impression de voyager dans une autre époque avec elle, finalement dans son désir de mettre l’éclairage sur des moments historiques terribles méconnus. Ceaucescu, pour moi, et j’ai un peu honte de l’admettre, c’était un nom. Je n’ai pas de bonne mémoire pour l’Histoire, alors oui, c’était associé à la Roumanie, et non pas à une belle période, mais ce n’était pas marqué au fer rouge de l’horreur. Maintenant, oui.
Avec un récit centré sur un personnage principal crédible, qui cherche à traverser son quotidien au mieux, Ruta Sepetys esquisse le portrait d’une nation qui souffre, qui doit appuyer bien malgré elle la cupidité sans fin d’un couple affamé (parce que si c’était lui qui dirigeait, sa femme était tout aussi terrifiante), qui tente de se soulever. C’est une lecture rapide, facilitée par les chapitres très courts qui s’enchainent, et, surtout, accélérée par ce sentiment oppressant de vouloir connaitre la fin, le dénouement (bonne chance pour résister à la tentation d’aller fouiller sur Internet en parallèle, d’ailleurs).
Je dois dire que j’ai parfois tiqué en fin de chapitre, quand Ruta Sepetys met l’emphase sur le fait que Christian ne saisit pas tout, qu’il a une vision naïve malgré tout de ce qu’il croit comprendre, de ceux qui l’entourent. Et c’est vrai, on le découvre au fil des pages, mais les rapports de la Securitade à son propos (très chouettes insertions qui rendent bien l’ambiance de l’époque) sont assez évocateurs pour ne pas qu’on ait besoin de le lire et de le relire. D’ailleurs, il me semble que la finale aurait été encore plus frappante si on ne l’avait pas tant préparée en amont… mais ça reste une excellente lecture !
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