Il y a le Prince qu’il ne faut pas regarder. Les Hauts qui chapardent et les Bas qui se font vider de tout, des antisèches comme de leurs bijoux. Il y a la règle des impairs et les chiottes de l’enfer au bout de la cour. Il y a celle qui a été Choisie et distribue ses dons au fond du local 1, mais qui lutte avec sa jalousie interne. Il y a Iris qui a détourné les yeux et en paiera le prix. Il y a les Numéros qui observent et sont bien conscients de ce qui se joue, tous les jours à 14h28. Et il y la suppléante qui revient après avoir pourtant cru ne jamais pouvoir en sortir. Bienvenue Ici.
Avec ce récit aux accents fantastiques qui parle des dynamiques malsaines (intimidation, violence, extorsion) au sein des collèges et autres écoles secondaires, Christelle Dabos vise un lectorat avisé et habile, les histoires se multipliant et plongeant parfois dans l’inexplicable.
Alors, là, décidément, Ici et seulement ici est pour celles et ceux qui ont aimé la fin de La Passe-miroir, soit les tomes 3 et 4 puisqu’on est ici dans quelque chose qui est presque métaphysique. Christelle Dabos expose et multiplie les horreurs des classes de collège ou de secondaires où les règles non écrites déterminent le statut des uns ou des autres : la royauté intouchable, le racket organisé, les élèves qui se retrouvent aléatoirement mis au banc, les amitiés du primaire qu’on abandonne pour ne pas être « vu.e avec », les fratries qui se dissocient de l’autre côté de la grille, la jalousie qui se crée des nids. La violence qui couve et, surtout, le cycle : on peut avoir l’impression que ça change parce que les moyens évoluent tout comme les modes, mais ce sont des histoires qui se répètent.
C’est cela que la célèbre autrice met à jour avec une langue maitrisée, des passages captivants et une sensibilité certaine.
Mais je dois dire que j’ai un ressenti un vrai malaise tout au long de ma lecture. En effet, j’ai parfois eu l’impression d’être voyeuse devant des trippes étendues devant toutes et tous. Il y a forcément du ressenti dans le ce texte, qui ne peut qu’être personnel tellement on le sent à vif, mais le choix d’aller seulement vers le négatif, l’horreur (la seule qui ne tombe pas dans le piège est la nouvelle), la complicité de tous les adultes, l’absence d’espoir… est particulière. Dérangeante. Est-ce que ça en fait un livre très fort ? Bien sûr. D’autant que l’angle du fantastique de cette heure fatidique de 14h28 est original, inattendu. Qu’il offre un point de vue plus large, apporte un souffle.
Bref, la plume de Christelle Dabos est toujours aussi puissante, mais je suis nettement moins convaincue par ce récit-ci qui est, à noter pour les lecteur.rices québécois.es, entre autres, vraiment ancré dans la réalité française, avec ses codes scolaires et son langage.
Nouveau commentaire