Louis-Albert, le grand frère d’Étienne, n’a jamais eu envie d’aller travailler pour leur père. Alors quand la Deuxième Guerre mondiale est déclenchée, il s’enrôle dans les forces armées pour accomplir son rêve : devenir pilote. Étienne aussi est tenté, mais il a d’autres plans, d’autres désirs. C’est donc juste via les lettres de son frère qu’il découvre la guerre… et son horreur. Parce que si Louis-Albert ne raconte pas tout à sa femme et ses autres proches, il se livre à Étienne. Qui comprendra peu à peu l’ampleur des perturbations de son frère qui, même si la guerre se termine, est encore aux prises avec ses démons, bien longtemps après.
Avec ce récit écrit du point de vue d’Étienne, témoin des difficultés de son frère, et ponctué des lettres de Louis-Albert, Marie-Hélène Jarry signe un roman intimiste sur la famille et ses liens, la Deuxième Guerre mondiale et ses ravages chez ceux qui ont combattu. Pour un lectorat intermédiaire.
« Revient-on vraiment de la guerre » ? C’est la question qu’on se pose quand on referme les pages de ce récit plutôt doux dans l’ensemble, notamment grâce à la posture du témoin du narrateur, mais qui montre bien, dans son dernier quart, toute l’ampleur de la détresse de certains combattants à leur retour.
Marie-Hélène Jarry est une autrice dont la plume est douce, enveloppante, malgré des thématiques plus sombres. Dans Carnets de novembre, paru à la courte échelle, elle abordait la dépression en restant toujours un peu à l’extérieur du nœud et en donnant la parole à deux personnages, ce qui allégeait l’ensemble.
Elle garde la même approche ici puisqu’elle a choisi Étienne comme narrateur. Si Louis-Albert prend ainsi une grande place dans l’histoire, son point de vue et ses appels à l’aide apparaissent seulement par petites touches, dans ses lettres d’abord, puis quand il ose enfin raconter à son frère ce qui le tourmente. Ce choix narratif nous permet de conserver un regard plus objectif sur le récit, sans être pris directement dans le tourbillon émotionnel de Louis-Albert. Cette forme de chronique du quotidien, alors qu’Étienne raconte aussi sa vie de famille, ses études, sa propre route, fait toutefois en sorte qu’on reste plus détaché.es des émotions, du moins encore une fois jusqu’à la finale, qui se révèle plus dramatique qu’on aurait pu le croire, vous êtes prévenu.es.
À noter : Le livre s’ouvre sur une lettre et il y a quelque chose de très perturbant à lire un document d’époque dans lequel on retrouve des mots comme « accroire » et « chum », très québécois, et pourtant, on est dans la réalité puisque ces lettres, écrites par l'oncle de l'autrice à son père, existent vraiment. Il faut dire que les récits historiques sur la Deuxième guerre mondiale en littérature pour ados au Québec sont habituellement français (à quelques exceptions, dont ceux Nicolas Paquin) ! D'ailleurs, cette lettre est importante, et je vous conseille de la relire à la fin du roman. Elle prend alors une tout autre perspective…
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