Attention, le roman de Simon Boulerice contient beaucoup de références à la sexualité et convient à un public avisé seulement, mais j’ai eu envie d’en parler parce qu’il y a une réflexion intéressante sur l’adolescence, que c’est hyper bien écrit et que certains sont prêts et ont envie de lire ce genre de roman. Voilà donc mon billet !
Javotte aurait voulu être une princesse et danser à son bal de finissants dans les bras de Luc. Mais le monde réel est cruel et son ennemie Carolanne plus belle qu’elle alors elle passe ses pulsions sur sa sœur Anastasie et se réconforte dans les bras d’un homme plus vieux qu’elle. Entre petites cruautés du quotidien et mal-être, l’adolescente qui a tous les défauts, , égoïste, imbue d’elle-même, cruelle, menteuse et plus encore, tente de réaliser son conte de fées.
« Quand on y prête attention, on peut remarquer que Carolanne a un surplus de peau au coude. Lorsqu’elle pose les coudes sur son pupitre, la peau plisse de manière lamentable. Je passe le cours de français à scruter cette nouvelle difformité qui me rend extatique. Carolanne a des recoins hideux. Je suis soulagée.
Je passe le cours à me tâter les coudes. Ils sont plutôt doux, convenables. Terriblement normaux, infiniment mieux que ceux de ma rivale. Je flotte jusqu’à la maison. Je supplante Carolanne, en ce qui concerne la joliesse de mes coudes. »
Javotte est constitué d’une suite de petites vignettes qui racontent la dernière année du secondaire, s’attardant sur les événements marquants de la vie de l’adolescente. Écrit au « je », il permet d’entrer dans la tête de celle qui ressemble à un fillette prise dans un corps de femme. La sexualité y est présentée crûment, mais c’est aussi toute la dureté de l’adolescence qui est explorée. Pour lecteurs avisés.
Mon avis
« J’ai toujours été une fille raffinée. Enfant, déjà, je préférais suçoter des dragées à l’anis plutôt que des Klondikes. Ma sœur Anastasie, elle, aimait le goût facile des pastilles bon marché, et de la tire à la mélasse. Pas moi. J’aimais réellement mieux la saveur exigeante des dragées. Ça me rendait infiniment complexe et mature.
« Votre vengeance ne donne rien. »
Je ris dans ma barbe douce et vais me faire vomir.
Je vais me venger si je veux. »
Un clin d’œil à la demi-sœur de Cendrillon tout à fait assumé et presque jubilatoire, dans les grands pieds et dans la finale, dans la jalousie qui la détruit et dans sa volonté de faire souffrir. Le nom place le personnage dès le départ et Simon Boulerice peut donc rapidement entamer son intrigue. Il y a dans ce roman une multitude de thèmes. Javotte est aux prises avec un deuil, une jalousie excessive, une obsession de son poids, le besoin de découvrir son corps et plus encore. C’est donc un terreau très riche et l’écriture de Simon Boulerice, fine, crue, assumée, en tire le meilleur. Ce roman, c’est plein de petites méchancetés, c’est tordu, c’est jouissif. Les phrases sont courtes, les dialogues finement ciselés, les émotions à fleur de peau. Plusieurs lecteurs ont dit que c’est un roman qui serait parfait pour les adolescentes, sauf pour la crudité de la sexualité. Et en effet, c’est cru, c’est râpeux, parfois discutable. Mais c’est tellement plus…
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Merci aux éditions Leméac pour le roman!
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J'ai osé le proposer à mes élèves... comme livre au choix.