Île Bourbon, 1829. Ferréol est passionné de botanique et peu enclin à nouer des relations avec les autres. Toutefois, le hasard l’amène à entendre parler d’une esclave qui est morte en donnant naissance à un nourrisson et, porté par le souvenir de sa sœur morte toute jeune, le propriétaire terrien décide de prendre l’orphelin sous son aile, malgré sa couleur et les jugements des autres. Dès son plus jeune âge, Edmond est ainsi admis dans le laboratoire de son maître qui lui enseigne tout ce qu’il connaît de la botanique, et lui reconnait une intelligence et une mémoire extraordinaires, sans pourtant lui apprendre à lire ou à écrire, lui interdisant donc d’exister par lui-même dans ce monde de Blancs qu’est la science. Lorsqu’un jour Edmond découvre comment féconder la fleur de la vanille, permettant ainsi à toute l’île d’espérer devenir riche grâce à ce nouveau produit, son maître ne peut lui reconnaître une telle découverte…
Roman basé sur des faits historiques, Edmond Albius ayant vraiment découvert le processus de fécondation de la vanille avant d’être dépossédé de ce secret, mais fictif étant donné le peu de documentation disponible, La vraie couleur de la vanille permet au lecteur de découvrir l’histoire de l’île de la Réunion et ce moment charnière que fut la découverte de la vanille. Avec Edmond, nous découvrons l’esclavagisme et ce qui a mené à son abolition, mais aussi toute l’horreur des rapports humains entre Blancs et Noirs de cette époque.
Mon avis
Il m’a fallu du temps pour m’adapter au style de Sophie Chérer qui utilise un narrateur externe posant un regard explicatif et détaché sur l’histoire. En plus, il faut dire que le personnage principal qu’est Ferréol n’est aucunement attachant. Si on le trouve bien gentil au départ, on lui reproche rapidement son manque d’empathie et ses préjugés. En face de lui, Edmond reste discret et effacé, se laissant peu découvrir malgré qu’il se trouve au centre du récit. En fait, celui qui m’a semblé le plus sympathique est le neveu de Feréoll, celui qui venait parfois plaider la cause d’Edmond sans toutefois outrepasser les décisions de son oncle. Cette absence de lien avec les personnages ne favorisait donc pas le bonheur de lire, mais…
Dès que la relation entre les deux personnages principaux se brise à cause du silence d’Edmond, dès que le nœud du roman est passé avec une scène dont la violence est puissante, je me suis retrouvée prisonnière du récit. Et toute la dernière partie est de plus en plus captivante. On assiste à la fin de l’esclavagisme et à tout ce que ça implique, mais aussi à l’injustice de ce qui s’est passé en plus de découvrir les conséquences terribles des gestes de Feréoll sur Edmond, qui vieillit en quelques pages sans jamais être reconnu pour ce qu’il a fait. Sophie Chérer a su créer des scènes marquantes et créer un récit marquant pour remplir les blancs de l’Histoire et le tout est crédible. Chapeau!
Côté écriture, si les phrases du début m’ont semblé courtes et froides, les mots de Sophie Chérer sont choisis et travaillés. En outre, l’auteure utilise les termes de la botanique qui conviennent à l’intrigue, mais leur donne un souffle presque poétique dans certaines phrases. À travers l’écriture de l’auteure, et grâce au mot qu’elle ajoute en fin de moment, on comprend son besoin de raconter cette histoire, cette rage ressentie envers ce qui s’est passé.
En bref? C’est un magnifique roman qui nous permet de découvrir un pan de l’histoire oublié. Vous ne verrez plus jamais la vanille de la même façon…
Écoutez Sophie Chérer nous parler de son roman et en lire un extrait.
Si vous avez aimé, vous pourriez être tenté par Mon bel oranger.
Merci à l'école des Loisirs pour le roman!
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