Cet automne,
Wendy Wagner est arrivé sur mon bureau. Je connaissais déjà Michel J. Lévesque pour
Arielle Queen et
Soixante-Six, aussi me suis-je plongée rapidement dans cet univers fantastique où les anges ne sont pas toujours ceux que l’on croit. Ayant une opinion mitigée sur le roman, j’en ai parlé à l’auteur qui m’a surprise par son ouverture et sa facilité d’approche. Il a d’ailleurs accepté une entrevue plus longue, mais comme il est très occupé, ce fut un peu complexe. Par chance, nous étions au Salon du Livre de Trois-Rivières en même temps ce printemps et nous avons pu prendre le temps de discuter. Voici le résultat de notre entretien!
Les univers d’Arielle Queen, de Soixante-six et maintenant de Wendy Wagner sont très sombres. D’où vient cette inspiration?
J’ai toujours associé le fait d’avoir des histoires sombres avec plus de profondeur. Je ne suis pas un fan de comédies ou de comédies dramatiques et c’est peut-être pour ça que je n’ai pas embarqué dans les
Harry Potter. Ça me prend des conflits entre les personnages, quelque chose de profond. Souvent, ce désir m’entraine dans des univers qui sont plus sombres parce que les personnages sont plus torturés.
Tes personnages sont souvent à multiples facettes d’ailleurs, avec des zones d’ombre et de lumière entremêlées. Est-ce voulu?
Je n’ai jamais aimé trop les personnages qui sont soit tout blanc, soit tout noir. Tu te souviens de la série
Lance et compte? Je trouvais
que les personnages étaient particulièrement bien réussis parce que, justement, ils n’étaient pas juste bons ou mauvais. L’exemple qui me vient en tête c’est Marc Gagnon : on adorait ce personnage-là , mais en même temps il pouvait parfois être tellement méchant et égoïste alors qu’à d’autres moments, il pouvait être super gentil, tellement bon … Je trouvais que c’était humain, que c’était plus réaliste que d’avoir juste une facette. Dans les récits, les méchants qui sont juste tout mauvais, ça m’énerve. Je préfère qu’on s’attache un peu et qu’on comprenne pourquoi ils sont comme ça.
Tu travailles sur plusieurs projets en même temps. Comment c’est dans ta tête? C’est compartimenté? Tout cohabite?
J’ai une correctrice avec qui je travaille depuis des années et qui a corrigé pour moi
Arielle Queen,
Soixante-six et
Wendy, et elle me demande toujours comment je fais. Je ne prends pas de notes, rien, tout est dans ma tête. Je n’ai pas de misère à faire cohabiter mes univers. Ce sont des histoires différentes, des personnages, des existences, des destins différents et puis c’est très clair dans mon esprit.
Donc tout ça se construit en même temps ?
Oui. J’ai les deux tomes d’
Arielle dans ma tête, ainsi que celui de
Wendy et celui de la prochaine série sur laquelle je travaille chez Hurtubise et qui va sortir à l’automne, et tout est clair. Ce serait peut-être plus compliqué si les mêmes personnages revenaient dans les différentes séries, mais là c’est vraiment trois univers séparés.
Est-ce que c’est un besoin, travailler sur plusieurs projets en même temps? Serais-tu capable de travailler sur un seul?
Non, ce n’est pas un besoin. J’aurais aimé ça travailler juste sur une chose, finir
Arielle en premier, m’attaquer à
Soixante-six puis à
Wendy, mais le problème que c’est quand tu es auteur au Québec, si tu n’as pas un gros succès littéraire comme Bryan Perro avec
Amos Daragon, India Desjardins avec
Aurélie Laflamme ou encore Patrick Sénécal, tu n’as pas le choix d’aller chercher d’autres contrats parce que tu ne sais pas ce que l’avenir te réserve.
En fait, si je suis allé chercher plusieurs contrats, c’est pour plusieurs raisons. La première c’est que les éditeurs sont bien intéressés à moi à cause du succès d’
Arielle, donc je ne suis pas obligé d’écrire des romans avant de signer un contrat, je peux soumettre des manuscrits. Et puis la deuxième raison c’est qu’avec les avances je peux continuer à écrire sans être obligé d’avoir un travail à temps partiel.
Est-ce que c’est difficile d’écrire le premier tome d’une série?
Tous les auteurs te donneraient la même réponse : c’est que c’est dans le tome 1 que tu établis ton univers. C’est donc toujours le plus difficile et c’est celui qui prend le plus de temps.
Arielle, ça m’a pris un an,
Wendy aussi.
Soixante-six a été plus rapide, probablement parce que j’avais un contrat avec une date de tombée précise et que j’avais moins de délais pour l’écrire, mais ça n’a pas été plus facile!
As-tu déjà la suite en tête quand tu écris le premier tome?
Généralement, je n’ai pas le tome 2 ou le tome 3, mais j’ai les grandes lignes et la fin surtout. C’est ce qui est important pour moi, avoir la fin (quoique je me permets de la changer si besoin est). Je n’aime pas les histoires où tu arrives au dernier tome en te rendant compte que l’auteur ne savait pas trop où il allait et qu’il t’a donné une fin comme il pouvait, cousue de fil blanc et un peu n’importe comment. Moi, ce que je veux faire quand j’écris, c’est d’avoir un gros impact à la fin, parce que je veux que les gens disent : Ah! Il avait prévu ça depuis le début! (Et que ça soit vrai!). Comme dans le cas d’
Arielle. En écrivant le premier tome, je connaissais déjà les 3-4 derniers chapitres.
Ce n’est pas rare d’entendre des auteurs dire que les personnages les ont amenés dans une certaine direction alors qu’ils pensaient à autre chose au départ. Est-ce que c’est quelque chose que tu connais?
Oui, absolument. J’ai l’idée de la fin, mais je me laisse beaucoup de liberté pour tout ce qui va m’amener là. J’ai une ligne directrice que j’essaie de suivre, mais je suis ouvert. Par exemple, dans
Arielle Queen, quand j’ai commencé à l’écrire le personnage de Noah devait devenir l’amoureux d’Arielle durant toute l’histoire puis à un moment donné dans le tome 2 je me suis rendu compte que j’avais beau essayer de le rendre sympathique, il ne me revenait pas. Il était faible par rapport à Arielle. Et puis Razan est arrivé et il s’est imposé. Les personnages vivent, tu voudrais que certains soient sympathiques, mais tu n’y arrives pas alors que d’autres ont été créés pour être méchants, mais deviennent sympathiques parce que j’ai du plaisir à les mettre en scène et qu’ils prennent une tangente différente. C’est super intéressant!
Si je connais tout d’avance, je n’ai aucun plaisir. J’aime être surpris par un personnage. Il y a des répliques qui me sortent en écriture et je me dis : Ah oui? Et des fois les choses se placent comme par magie. Ton personnage fait quelque chose auquel tu n’as pas pensé et tu te dis que oui, c’est normal.
Il faut que tu tiennes tes lecteurs pendant tout ce temps-là, par contre, et les ados vieillissent ! Est-ce qu’ils te suivent quand même?
Je ne connais pas les chiffres, je ne pourrais pas te donner de pourcentage, mais il y a une bonne partie qui continue à suivre. Je les vois vieillir dans les salons et ils viennent toujours me voir. Mais c’est sûr que c’est difficile quand tu as une série de douze et que tu en sors un par année. C’est difficile pour le lecteur parce qu’il vieillit, mais aussi parce qu’il ne se souvient pas nécessairement du dernier qu’il a lu. Par contre, beaucoup de jeunes me disent qu’ils relisent la série avant que le tome suivant sorte et je te dirais que dans les salons ce que je vends le plus c’est le dernier tome et le premier tome, donc la base de fans se renouvelle toujours.
Est-ce que tu fais beaucoup de recherche? Par exemple pour les parties historiques et les mythes des anges et archanges utilisés dans Wendy Wagner?
Je fais un peu de recherche avant d’écrire l’histoire, mais vraiment très peu. Quand j’ai écrit
Wendy, je me suis fait venir de
France des dictionnaires des anges et j’ai fait des recherches sur l’Allemagne nazie et sur les erreurs stratégiques, qu’Hitler a faites durant la Deuxième Guerre mondiale et sans lesquelles il aurait pu gagner. Mais à cette étape-là, je vais juste chercher de l’information sans prendre de notes. Je ne consulte pas tout tout de suite.
Quand j’écris, je travaille chronologiquement. Je pars au début de mon histoire et, quand je parle d’anges, j’arrête, je vais vérifier des noms d’anges et je l’intègre. Je sais qu’il y a des auteurs qui vont se laisser des marques dans le texte quand il y a de la recherche à faire pour y revenir plus tard, une fois que l’histoire est finie, mais moi j’y vais vraiment étape par étape. Je fais la recherche quand j’en ai besoin. Pour les chapitres historiques de
Wendy, pour raconter l’histoire de la géhenne entre autres, je m’arrêtais quelques jours, je lisais beaucoup sur le nazisme et sur la guerre en Allemagne, puis je faisais mon chapitre.
La suite de notre entretien est ici!
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