Entrevue avec Dominique Lemieux - Directeur général des Libraires indépendants du Québec

 
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22 novembre 2012

Saviez-vous que Sophielit.ca a un partenariat avec Rue des Libraires ? Mordue de librairies indépendantes, j’adore l'idée de ce site venant jouer dans la cour d'Amazon et nous offrant à nous, lecteurs compulsifs, une belle alternative au géant américain. J'ai donc tout de suite eu envie de m'associer à eux et c'est en discutant avec Dominique Lemieux, directeur général des Libraires Indépendants du Québec et cheville ouvrière du projet, que cette idée s’est concrétisée. Voilà pourquoi j'ai eu envie d'en apprendre un peu plus sur ruedeslibraires.com et sur l’homme derrière ce site. 

En fait, qu’est-ce que Rue des libraires ?

RuedesLibraires.com est un site collectif réalisé par la coopérative des Librairies indépendantes du Québec (qui crée notamment la revue Le libraire). Nos 92 librairies membres – elles viennent de partout au Québec, mais aussi des Maritimes et de l’Ontario – se sont réunies sous un portail unique pour répondre efficacement au marché, en pleine croissance, du cybercommerce. Grâce à ce site transactionnel, les lecteurs peuvent profiter des avantages de l’achat en ligne, avec un choix de plus de 250 000 livres en langue française dans leurs formats papier et numérique, et cela, tout en continuant d’être fidèles à leur librairie indépendante locale.

Rappelons qu’une librairie indépendante s’articule autour de la proximité, la diversité et le service. Elle ne fait ni partie d’une chaîne ni d’un groupe commercial. Elle ne compte généralement pas plus de cinq points de vente. Chaque librairie indépendante possède sa propre personnalité, à mille lieues de l’allure uniformisée d’une grande surface ou d’une chaîne. C’est un lieu de conseil où le livre de fond est souvent mis de l’avant. Le libraire indépendant se distingue par sa passion du métier, son professionnalisme, son service de qualité et son implication dans sa communauté.

D’où est partie cette initiative ?

Depuis quatre ans, nous pressentions la montée du livre numérique. Il devenait vital de positionner les libraires indépendants au cœur de ce créneau. Nous avons donc mis sur pied un comité formé de libraires et d’experts techniques qui ont tissé les grandes lignes de ce qui allait devenir RuedesLibraires.com. Le site a finalement vu le jour en août 2011.

Pourquoi ce nom ?

Avez-vous déjà vu une rue de librairies? À Shanghai, sur la rue Fuzhou, tout près de la place du Peuple, on trouve un grand nombre de librairies. L’une se spécialise dans la littérature occidentale, l’autre dans le livre jeunesse. Les librairies généralistes, grandes et petites, se voisinent. Ça m’avait frappé lors de mon séjour en Chine. Première réaction ? Comment peuvent-elles toutes survivre? Puis, après réflexion, on comprend : les lecteurs de Shanghai savent qu’ils trouveront ce qu’ils désirent dans l’une ou l’autre des librairies de cette même rue. Ils convergent donc vers ce lieu, ce qui assure un flot suffisant de visiteurs. Chacune des librairies développe sa niche, trouve son public. Au final, l’ensemble des librairies y gagne, car elle réussit à rejoindre son lot de fidèles. C’est exactement dans cet esprit que notre avenue commerciale a été construite. Certes, les libraires indépendants étaient déjà présents à différents niveaux sur la Toile. Il y avait même de beaux succès, pensons seulement aux sites de la Librairie du Centre en Ontario, de Mosaïque à Repentigny, de Pantoute à Québec et aux sites informatifs des librairies Vaugeois, Clément Morin ou Monet. Néanmoins, la rue des libraires permet d’arrimer l’ensemble de ces forces.

Comment ça fonctionne ? Quand nous achetons un livre sur Ruedeslibraires.com, qu’est-ce qui se passe concrètement ?

Le processus est le même que sur les autres sites du genre. On navigue, on fait des choix, on prépare un panier d’achats. Par contre, se procurer des livres sur RueDesLibraires.com, plutôt que sur Amazon ou Apple, c'est choisir de soutenir l'économie de sa région. Concrètement, à chaque achat, l'internaute pourra favoriser l'une des librairies indépendantes participantes (la plus près de chez lui, celle de sa ville natale, celle qu'il a fréquentée durant ses vacances estivales, etc.), laquelle recevra une part de la vente. Nous lui suggérons d’ailleurs les trois plus près de son domicile. Ensuite, vous avez l’option de vous déplacer en librairie pour « cueillir » votre commande ou de recevoir les livres par la poste. À vous de choisir !

Est-ce une entreprise juste pour le Québec ou vous aimeriez vous étendre ?

L’objectif de ce site était vraiment de rejoindre le public local (Canada). Parallèlement, nous sommes derrière le site LivresQuebecois.com qui cible davantage un public hors Québec intéressé par le livre publié au Québec.

En tant qu'acheteur, pourquoi préférer Rue des libraires plus qu’Amazon ? Qu’est-ce qui fait votre valeur ajoutée ?

Comme le rappelle Robert Darnton dans Apologie du livre (Gallimard), « Google emploie des milliers d’informaticiens mais, pour autant que je le sache, pas un seul bibliographe». Et pas un seul libraire... Même chose pour Amazon ou Apple. Là, c’est le règne de la statistique, des algorithmes et de la programmation. La qualité, rien à foutre : pourvu que ça vende. Le consommateur, rien à balancer : pourvu que ça achète. Le livre, pas mieux pas pire que la paire de pantoufles : pourvu que ça génère des revenus.

Nous aussi, libraires, cherchons le succès financier. Mais derrière cela, se cache une passion réelle pour le livre. Nous débordons, chacun, d’un grand savoir-faire. Nos librairies fourmillent de libraires passionnés. Nous sommes souvent un élément important de nos communautés respectives. Cette valeur ajoutée, nous la prolongeons sur le Web.

De plus, nous considérons que, même sur le Web, le consommateur doit faire un choix éclairé. Pourquoi aller acheter un livre sur un site étranger, alors qu’il a la même offre au même prix par l’intermédiaire d’acteurs locaux? Pour éviter un clic? Absurde. Il est important de conscientiser le grand public à la portée de ses décisions. Voulons-nous vraiment délocaliser cette expertise? Je ne crois pas que les gens d’Amazon s’intéressent réellement à la culture québécoise. Nous, oui.

Est-ce possible pour des blogueurs de faire des liens d’affiliation ? Comment cela se fait-il ?

Absolument! RuedesLibraires.com a récemment ouvert la voie à une collaboration soutenue avec les blogueurs, auteurs et autres utilisateurs du Web. Nous avons développé un système d’affiliation qui permet aux intéressés de faire des liens vers RuedesLibraires.com lorsqu’ils parlent d’un livre sur leur page. Ils reçoivent en échange un pourcentage de la vente, un moyen simple pour ces enthousiastes bénévoles de gagner quelques sous. Plusieurs sites québécois ou canadiens font des liens similaires vers Amazon. Ils auront dorénavant la possibilité de soutenir – à leur façon – l’économie locale. Le fonctionnement est très simple et tous les détails d’adhésion se trouvent sur www.ruedeslibraires.com/affiliation. Nous espérons créer un lien solide avec l’ensemble de ces partenaires maintenant essentiels à la diffusion du livre.

Que pensez-vous de l’arrivée du numérique dans l’univers du livre ? Est-ce dangereux ? Est-ce que cela crée des opportunités ?

Le numérique ne m’effraie guère. En même temps, il faut être conscient de ses répercussions. Le livre numérique chamboule notre écosystème. De nouveaux joueurs s’installent (des multinationales aux moyens illimités), de nouvelles habitudes de consommation se créent. Pour les libraires, cela nécessite une réadaptation. Il faut savoir se positionner sur ce marché, tout en étant conscient de nos limites. Un libraire indépendant – ou un groupe de libraires – n’aura jamais les moyens financiers ou techniques pour concurrencer un Amazon ou un Apple. Il faut miser sur les initiatives collectives et sur ce qui nous distingue : la capacité de conseiller, la passion qui nous passe quand on découvre un bon texte, etc.

Vous, personnellement, qu’est-ce qui vous a amené dans l’univers du livre?

J’ai toujours été fasciné par le livre, à la fois l’objet et le contenu. Durant mes études universitaires, et après une triste année à vendre des portes et fenêtres dans une grande quincaillerie, j’ai travaillé en librairie. Une véritable révélation! J’aimais autant guider les lecteurs avides de conseils que de ranger les nouveautés en section. L’expérience fut emballante. Quelques années plus tard, je me suis trouvé à travailler pour un important distributeur québécois (Socadis). Puis, je suis revenu à ma première passion, la librairie. Le monde du livre est réellement un milieu fascinant.

Rafale lecture !

Enfant, étiez-vous un grand lecteur ?

J’ai toujours été un grand lecteur. Jeune, sur la ferme familiale, j’accompagnais chaque soir mes parents pour la traite des vaches. Souvent, j’apportais un livre. Je me revois encore, assis dans un chariot à moulée, un livre à la main.

Qui vous a donné le goût de lire ? 

Mon grand-père était un bon lecteur (il aimait beaucoup les biographies, les essais politiques, les livres d’histoire). Je trouvais fascinant de le voir avec ses lunettes, le regard plongé dans un livre. Sinon, la simple habitude de mes parents de lire le journal chaque matin m’a donné la piqûre de la connaissance. J’ai commencé par lire les journaux, puis les vieux livres de ma mère, puis les livres que mes frères et sœurs plus aînés apportaient de la bibliothèque…  

Quel mot décrit le mieux votre relation avec les livres ? 

Libre. Je n’aspire aucunement à publier, et je suis un lecteur qui aime butiner, qui aime se laisser émerveiller. J’admire la créativité des auteurs, j’aime l’audace, l’intelligence. J’adore être entouré de l’objet.

Quel est votre livre préféré ?

Je suis infidèle. Selon les humeurs, cela varie entre Les raisins de la colère (John Steinbeck), L’écume des jours (Boris Vian), L’hiver de force (Réjean Ducharme)…

Quel roman a marqué votre adolescence ?

Des souris et des hommes, Les dix petits nègres, Les inactifs, les Tintin et les Astérix

Quel est le livre sur votre table de chevet ?

J’en ai beaucoup. Coupables de Ferdinand von Schirach, l’intégrale des Henning Mankell, Anima de Wajdi Mouawad, La trilogie coréenne d’Ook Chung et quelques autres.

Dans quel endroit préférez-vous lire ?

Sur le bateau. Chaque jour, j’emprunte le traversier Québec-Lévis. Je m’assois à l’extérieur, je prends une bonne respiration, et je me lance. C’est un moment de silence et de détachement.

Si vous étiez un livre, lequel seriez-vous ? 

Don Quichotte. Pour traverser les époques.

Vous avez trouvé une faute ? Oui, j'en laisse parfois passer. N'hésitez pas à me la signaler à sophiefaitparfoisdesfautes@sophielit.ca et je la corrigerai ! Merci et bonne lecture ! :-)
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