Entrevue avec Charlotte Bousquet

 
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7 avril 2011

J'ai croisé Princesses des os à la bibliothèque alors que je venais chercher complètement autre chose et j'ai été immédiatement attirée par la couverture. Il faut dire que la couverture est assez intrigante... tout comme le sont toutes celles de la collection Courants Noirs d'ailleurs! Le résumé qui indiquait une histoire reliée à une enquête dans la Rome Antique a achevé de me séduire et j'ai dévoré ce roman de Charlotte Bousquet. Au fil de ma lecture, plusieurs questions me sont venues en tête. Voici les réponses qu'a bien voulu m'offrir l'auteure! 

D'où vient votre envie d'écrire de la littérature jeunesse?

Au départ, je n'avais pas envie d'écrire spécifiquement pour la jeunesse, mais certaines histoires s'y prêtent plus que d'autres : cela été le cas de Zaïna et le fils du vent, mon tout premier roman, paru chez Yomad en 1999. Par la suite, j'ai eu l'opportunité d'écrire La marque de la Bête (Royaumes perdus , Mango 2009) une réécriture de « Peau d'âne », et surtout de participer à cette belle aventure qu'est la collection Courants Noirs, chez Gulf stream, avec des polars historiques destinés à la jeunesse et aux jeunes adultes. L'appétit vient en mangeant – et puis, c'est très égoïste, mais je retrouve en écrivant ces histoires des thèmes qui me tenaient à coeur quand j'étais adolescente.

Qu'est-ce qui fait de Princesses des os un roman jeunesse ?

Princesses des os a pour héroïnes deux adolescentes, Lucretia et Dîn, qui ont l'âge des lectrices. Même si elles sont Romaines, et quasiment femmes en regard de la société de l'époque, elles ont des réactions différentes de celles des adultes – un peu plus de scrupules, et un peu moins de barrières. C'est un premier point. Le second point concerne l'une des thématiques du roman : la famille reconstituée. Comment faire quand votre mère est mariée à un homme que vous détestez ? Comment faire quand vous vous sentez systématiquement « en trop » chez vous ? Comme l'intrigue se déroule à Rome, les issues et les risques ne sont pas les mêmes qu'aujourd'hui, mais je crois qu'il s'agit d'une problématique que l'on trouve souvent aujourd'hui. Pour le reste, je crois que les adolescents lisent beaucoup plus de choses « adultes » que l'on croit et s'en inquiètent beaucoup moins que les parents. Alors, bien sûr, plusieurs scènes de Princesses des os sont un peu dures, mais le sont-elles vraiment plus que certains classiques étudiés au collège ? Quand on y réfléchit deux minutes : Boule de suif de Maupassant, qui est au programme de 3e, a des thématiques douloureuses et Le Voyage au bout de la nuit, de Céline, étudié en seconde est particulièrement sombre... 

Pourquoi avoir choisi d'ancrer une fiction dans la Rome antique? Qu'est-ce que cette époque apporte à l'histoire?

L'histoire de Rome est passionnante, à tous points de vue. De sa fondation – mythique et réelle, en 753 avant notre ère jusqu'à sa chute, au Ve  siècle – on assiste à mille ans de création, destruction, complots, guerres, grandeur et décadence, naissances d'idées, expériences sociales,  etc. Chaque époque, chaque génération apporte son lot de conflits, de potentialités de fiction, mais si j'ai choisi les débuts du règne d'Hadrien, c'est parce qu'on est à une époque charnière de l'Empire : le règne de Trajan, l'un des plus grands empereurs, vient de prendre fin ; son successeur Hadrien (qui encouragera durant son règne les lettres et la philosophie) n'a pas encore complètement assuré sa prise sur Rome, mais la succession s'est passée relativement bien, ce qui permet de laisser « vivre » la cité, de s'y installer et d'y installer une intrigue.  

Quelles recherches avez-vous faites avant d'écrire cette histoire?

Quand je m'intéresse à une époque, je lis énormément d'ouvrages historiques – par plaisir, en dehors de tout travail de documentation spécifique. Pour Princesses des os, j'ai repris tous les ouvrages que j'avais, en particulier ceux de Lucien Jerphagnon et Paul Veyne, j'ai rafraîchi ma mémoire latine en reprenant des textes de Sénèque, Pline, et autres Ovide, je me suis plongée dans d'autres essais que je ne connaissais pas et visionné la série Rome(HBO) qui se passe un siècle et demi plus tôt, mais ancre Rome dans une réalité « tangible », ainsi que Apocalypse, documentaire de Mordillat et Prieur qui clôt leur triptyque sur le christianisme (Arte). Voilà...

Comment trouvez-vous l'inspiration pour vos romans ?

Partout : des émotions, une anecdote, une conversation, une lecture, les informations, une envie à un moment donné, des mots, etc.

Écrivez-vous à partir d'un plan ?
Toujours. Formation universitaire oblige !

Vous êtes une auteure prolifique! De combien de temps avez-vous besoin pour écrire un roman, un essai ou un recueil ?

 

Tout dépend, en fait de l'énergie que cela demande. Certains romans, en raison de leur sujet – je pense par exemple à Cytheriae et à La Peau des rêves, cycle que je suis en train d'écrire pour L'Archipel, touchent des points sensibles et me demandent plus de temps, parce que j'y suis très impliquée émotionnellement. D'autres – ce qui ne veut pas dire que j'y tiens moins, attention ! – « coulent » plus facilement. Mais, à la louche il me faut entre deux et six mois pour écrire un roman (sachant que tout se réfléchit, se planifie, se documente, se construit en amont). Pour un recueil, là j'en ai en cours d'écriture, et je prends mon temps.

Menez-vous plusieurs projets de front?

Généralement, oui, mais pas du tout dans le même genre. Par exemple, j'ai rédigé un « non-abécédaire » pour la nouvelle collection de Gulf Stream, « Et toc ! », en écrivant Nuit tatouée (premier tome de La Peau des rêves). En ce moment, je participe à la création d'un jeu de rôles Nécropolice (prévu aux 12 Singes à l'automne) et je suis en pleine rédaction de Nuit brûlée (deuxième tome de La peau des rêves, donc). Ça me permet de m'aérer, en fait.

D'après vous, est-ce qu'il faut lire beaucoup pour être un bon auteur?

C'est indispensable ! Cela permet de se frotter à différents styles, de s'en imprégner, de se cultiver, de se construire peu à peu en tant qu'écrivain.  

Quels sont vos conseils à ceux qui écrivent, mais qui ont peur de ne pas être bons ?

Lisez. Travaillez. Relisez-vous. Doutez. Faites relire vos textes par un tiers. Travaillez et lisez encore. Et acceptez les critiques.
 
 
Rafale lecture!

Quel est votre livre préféré ?

Ça change très souvent. En ce moment, je relis Cyrano de Bergerac pour l'écriture d'un nouveau roman – alors forcément, j'adore...

Quel roman a marqué votre adolescence ?
Il y en a eu beaucoup : Les Liaisons dangereuses, de Laclos, Le douze juillet de Joan Lindgard, Mon amie Flicka de Mary O'Hara, Un amour de Swann de Proust...  

Quel est le livre sur votre table de chevet ?

Désobéir au sexisme
, par les désobéissants (éditions Le Passager clandestin), Chevaucheur d'ouragan de Sam Nell (éditions Mnémos), Lame de Corsaire de Nicolas Cluzeau (Gulf stream éditeur), Bidoche : l'industrie de la viande menace le monde de Fabrice Nicolino (Babel)

Dans quel endroit préférez-vous lire ?

Je peux lire partout, mais je crois que je préfère lire dans le train  ou l'avion : entre deux mondes.

Quel est le livre que vous aimez beaucoup, mais que vous avez un peu honte de révéler ?

Le cycle de Morgane Kingsley, de Jenna Black, cinq tomes parus chez Milady. De la bit' lit avec des démons et du sexe. Mais je n'en ai pas vraiment honte. 

Avez-vous une suggestion de lecture pour ceux qui ont adoré votre livre ? 

Plusieurs : les romans de la collection Courants noirs de manière générale. Les Noces vermeilles, de Béatrice Égémar ou Attaques nocturnes, de Thierry Lefèvre parce qu'ils font vivre Paris, L'Étoile noire de Lilian Bathelot pour l'aspect vibrant, vivant et révolutionnaire, Rouges ténèbres de Nicolas Cluzeau, qui se passe à Istanbul et met en scène une jeune héroïne très féministe et très douée. Pour les meilleurs lecteurs : Le Châtiment des flèches, de Fabien Clavel, un récit de fantasy historique paru chez Pygmalion à l'automne dernier, avec des nomades, des luttes fratricides, etc.

Vous avez trouvé une faute ? Oui, j'en laisse parfois passer. N'hésitez pas à me la signaler à sophiefaitparfoisdesfautes@sophielit.ca et je la corrigerai ! Merci et bonne lecture ! :-)
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