Grand calao et Petit homme

Billet rédigé par Marie Fradette, spécialiste en littérature jeunesse

Amoila habite avec sa mère qui travaille sans relâche. Pendant qu’elle tisse, sème, prépare les repas, Amoila s’ennuie. Il court alors au bord de la falaise et fait une demande au soleil levant : « Hé, Soleil rouge, toi qui as tous les pouvoirs, veux-tu t’arranger pour qu’il m’arrive quelque chose, n’importe quoi pour que je ne m’ennuie plus? » Dès le lendemain, Yatèmilou, sa mère, requiert ses services afin qu’il aille chercher du sucre au marché. Malheur, il rencontre le grand Calao, un vautour mal intentionné, qui lui fait des demandes impossibles sous la menace de représailles. Malgré les soucis que lui occasionne Calao, Amoila réussit toujours à clouer le bec à la bête jusqu’à ce que l’oncle revienne à la maison avec l’oiseau en cage. Détenant alors le bon bout du bâton, le petit homme promet à l’oiseau de le délivrer à condition qu’il apprenne la modestie et la patience.

Avec ce conte, Carl Norac, qui n’en est pas à ses premiers écrits sur l’Afrique, met en scène la persévérance, la domination de l’amour, de la patience sur l’esclavage et/ou la tyrannie. On pourrait facilement transposer ce duel dans notre monde occidental puisque les luttes de pouvoir sont partout et méritent d’être dénoncées. Les lecteurs plus âgés pourront assurément bien comprendre cette réalité.

Mon avis

Les personnages principaux, en l’occurrence le garçon et le vautour, se font les représentants de valeurs opposées qui seront bien perçues et comprises par les lecteurs adolescents. Et si l’allégorie permet d’adoucir le propos, elle n’en atténue pas pour autant la force de frappe. Pour accompagner ce récit, Norac s’est joint le talent de la Belge Anne-Catherine De Boel. Le trait lumineux exprime avec aplomb l’univers décrit par l’auteur. L’utilisation de la couleur rend particulièrement bien l’atmosphère du conte : sur des décors faits d’orangés et d’ocres, les personnages apparaissent vêtus de pagnes colorés et les objets et autres détails, que ce soit la nourriture ou les poteries du marché, sont flamboyants. Puis, un trait noir vient cercler les personnages, les arbres, ce qui a pour effet de les définir, de donner une profondeur supplémentaire à l’ensemble. Les ombrages et les angles de vue contribuent par ailleurs à dynamiser l’image et exprimer avec rigueur les émotions vécues par les protagonistes. Il faut dire que le duo n’en est pas à sa première collaboration et est particulièrement habile dans la mise en scène du monde africain.