L’Américain Edgar Allan Poe a vécu de 1809 à 1849. Même s’il est aujourd’hui reconnu comme un auteur phare du XIXe siècle, Poe n’a pas vécu une vie des plus douces. Orphelin à 2 ans, écrivain méconnu de son vivant, il meurt d’une crise de délirium tremens à l’âge de 40 ans. Pendant ces quelques années, il a offert de magnifiques et douloureux poèmes (Le Corbeau , Un rêve, le ver vainqueur) tout comme des nouvelles qui ont enrichi le corpus littéraire. Nous pensons tout de suite à Double assassinat sur la rue Morgue, intrigue qui lui a valu le titre posthume de « maître du roman policier » ou encore à des nouvelles comme Le chat noir ou Bérénice qui relèvent plutôt de la nouvelle d’horreur. Dans Les contes macabres, magnifiquement illustré par Benjamin Lacombe, le lecteur adolescent trouvera l’intégral de 8 nouvelles, notamment Morella, L’île de la fée, La chute de la maison Usher, des contes effectivement macabres tirés respectivement des recueils Histoires extraordinaires et Nouvelles histoires extraordinaires traduites de l’américain par Charles Baudelaire, grand admirateur de Poe. À la suite des nouvelles, le lecteur a accès à un texte écrit par cet illustre poète dans lequel il raconte la vie et l’œuvre de Poe avec force et émotion et, surtout, un immense respect pour cet auteur qui ne fut pas jugé à sa juste valeur : « Causez de Poe à un Américain, il avouera peut-être son génie […] mais avec un ton sardonique supérieur qui sent son homme positif, il vous parlera de la vie débraillée du poète, de son haleine alcoolisée qui aurait pris feu à la flamme d’une chandelle, de ses habitudes vagabondes […] ». Suivent quelques notes explicatives permettant de situer les contes, puis trois courtes biographies : celle de Poe, mais aussi de Baudelaire et de Benjamin Lacombe. Voilà donc un album pour les adolescents qui permet de découvrir quelques textes de ce grand auteur et du contexte qui a vu naître ses écrits.
Les nouvelles de Poe se retrouvent sous différentes éditions, en format poche bien souvent, facilement accessibles. Pourquoi alors plonger particulièrement dans cet album de collection ? Je dirais, spontanément, pour les illustrations. Benjamin Lacombe parvient, grâce à un style atmosphérique, à recréer un décor lugubre, une ambiance troublante qui nous captive instantanément. Il faut voir la puissance évocatrice dans le regard inquiétant d’un personnage, l’effet déstabilisant installé grâce à un angle de vue particulier, etc. Prenez, par exemple, une scène tirée du Chat noir, celle pendant laquelle le mari referme le mur pour emprisonner à jamais, croit-il, son épouse. Lacombe a choisi de mettre en scène l’homme, éclairé par la lueur d’une chandelle, travaillant à calfeutrer le trou lequel ne laisse percevoir que le visage de la femme morte. Puis, derrière le mari sanguinaire, se dresse une ombre, la sienne, qui ressemble étrangement à celle… d’un chat. C’est ainsi dans tout le recueil. Des illustrations d’une qualité rare dans lesquelles Lacombe parvient à rendre l’horreur, le mystère, l’étrange inhérents aux textes de Poe. Enfin, le tout est présenté le plus souvent sur des pages entièrement noires, ce qui participe à l’effet dramatique du recueil, voire l’accentue. Un très bel ouvrage.
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