Avant quand y avait pas d'école

Billet rédigé par Marie Fradette, spécialiste de la littérature jeunesse

Fidèle à son humour caustique, Vincent Malone nous livre ici une trentaine de tableaux dans lesquels il dépeint ce qu’était le monde à l’époque préhistorique, bien avant que l’éducation scolaire n’entre dans nos vies. Nous apprenons, par exemple, qu’« avant, quand y avait pas l’école, Roland ne se doutait pas du tout que sa chanson allait faire un tube » ou encore qu’« on disait pas « Gare à ta gueule à la récré », mais « Gare à ta gueule tout le temps! » ; « Avant, quand y avait pas l’école, Napoléon, Charlemagne, Henri IV, Jeanne d’Arc et tout ça, c’était rien que des gens comme tout le monde ». Ces courtes phrases, bien que tout à fait signifiantes et, à première vue, indépendantes d’une image, sont accompagnées des illustrations d’André Bouchard qui apportent un second degré de compréhension et mènent le lecteur plus loin. Tout se joue ici dans la relation entre le texte et l’image, dans cette complémentarité qui enrichit l’ensemble. Si les petits peuvent être attirés par l’humour inscrit dans le trait de Bouchard, les grands pourront comprendre toute la subtilité qu’il y a entre le texte et l’image et, de surcroit, faire des liens avec les références socioculturelles actuelles, les classes sociales ou alors avec les notions académiques.

Mon avis

D’entrée de jeu, les noms de Malone et Bouchard réunis sur une couverture d’album est plutôt gage de réussite. La puissance évocatrice dans le trait de Bouchard combinée au verbe précis, aux références justes et recherchées de Malone offre un résultat explosif. Que dire par exemple, de cette phrase : « Avant, quand y avait pas l’école, le corbeau et le renard faisaient n’importe quoi et tout le monde s’en fichait ». Sans illustrations, les mots laissent place à plusieurs interprétations, bien que l’on puise tout de suite faire le lien avec la fable. Puis, sur la double page, on peut voir le fromage écrasé sur le sol, survolé par plusieurs mouches, et le renard marchant vers demain, le corbeau dans la gueule. Et vlan ! Tout prend alors son sens ; la fable est revisitée en un clin d’œil. Et, c’est ainsi tout au long de l’ouvrage qui nous mène d’un univers à l’autre. Nous apprenons aussi par exemple que Pi, avant l’école, « c’était la mamelle de la vache et pi c’est tout ». Se joint à cet énoncé l’image d’une énorme vache qui s’apprête à se faire traire par un petit homme chétif et impressionné par la tâche. L’humour éclate dans le trait de Bouchard qui parvient avec force et détails à livrer un univers en soi. Cet album vous fera rire, tout en vous invitant à réfléchir aux diverses allusions lancées. Voilà un duo de feu pour un album à prendre tout de même au sérieux.