Monsieur Moisange

Billet rédigé par Marie Fradette, spécialiste de la littérature jeunesse

Pierre Moisange, un homme étonnant, imposant, toujours vêtu d’habits colorés pour égayer sa vie, rêve de découvrir le monde, d’aller au-delà de son quotidien qui le mène tous les jours au travail. Moisange est en réalité, pour le commun des mortels du moins, un bien drôle d’oiseau : « Beaucoup le pensaient, mais rares étaient ceux qui osaient le dire ». Un jour, alors qu’il observe la neige tomber doucement sur Paris, il fait de vœu de voler. Après un rêve planant dans lequel il rencontre la belle Kamala, il se réveille et réalise que des ailes ont remplacé ses bras. Débute alors une toute nouvelle vie pour cet homme-oiseau : il apprend le hindi afin d’aller retrouver sa belle, parcourt le monde en compagnie d’oiseaux, ceux que feu sa mère gardait dans des volières, et termine sa course auprès de sa douce.

Voilà un album tout à fait singulier qui, en plus d’inviter au voyage, convie les lecteurs à découvrir la force qui est en eux. L’identité, la quête de soi, la volonté d’aller au bout de ses rêves, la différence sont là des thèmes portés à bout de bras, ou de plumes, par le personnage principal.

Mon avis

Fred Bernard, auteur toujours surprenant, livre ici un texte tendre qui allie le merveilleux des contes de fées et le fantastique, celui qui perturbe le quotidien en intégrant des évènements et/ou personnages sortis d’un monde parallèle. Cet univers bouscule nos repères, mais la force des mots de Bernard, la poésie qui en émane, nous permet d’y adhérer et rend ce Pierre Moisange tout à fait charmant. Un nom qui le prédestinait d’ailleurs à devenir cet oiseau rare. Par cette métaphore, l’auteur met en lumière la différence et l’identité, véritable leitmotiv dans ses œuvres, ce qui invite le personnage à se dépasser et foncer droit devant pour vivre la vie qu’il désire.

Cette morale, ou alors ce conseil, trouve écho dans les illustrations animées de Gwendal Le Bec. Le trait expressif et fin, les contours imparfaits qui cerclent les personnages ainsi que l’absence de cadre nous convient à découvrir l’univers coloré, vivant et surtout libre du héros. Voilà un bel album dont la fin nous laisse peut-être un peu perplexe. Pourquoi le héros décide-t-il de se départir de ses ailes et retrouver la terre ? Pour Kamala, bien sûr, avec qui il devient sans doute libre, mais la magie qui transporte le héros tout au long du récit se perd quelque peu. Ou alors est-ce le rêve qui prend le dessus sur le réel ?

À vous, lecteurs, de découvrir ce curieux et attachant volatile.