Billet rédigé par Marie Fradette, spécialiste de la littérature jeunesse
Salam rêve de faire le tour du monde. Seulement, il est encore petit et les adultes ont tendance à se moquer de lui. « Tu ne seras jamais grand. Tu es si petit et léger… Fais attention : si tu ne te méfies pas, un jour le vent t’emportera. » N’écoutant que son courage et sa destinée, le garçon part en cachette avec un grand sac. Vide. « Dans ce sac, je mettrai tout ce que je trouverai pour m’aider à grandir, décide-t-il. Tant que je ne l’aurai pas rempli, je ne reviendrai pas chez moi. » Et c’est ainsi, dans un décor inspiré du Maghreb, que Salam part à la découverte de lui-même. Mu par le vent, il s’envole vers l’ailleurs, recueillant ici et là, au passage, une feuille, une plume, un peu de neige. Des éléments qui, en apparence, restent bien anodins, mais qui lui permettront d’aller au bout de lui-même.
Un album sur la connaissance de soi et le voyage, des thèmes qui restent intimement liés à l’adolescence.
Voilà un album de formation dans lequel Carl Norac exploite avec beaucoup de doigté et de poésie l’essentielle traversée de soi-même. Salam est littéralement soulevé du sol et tout le voyage se déroule ainsi, entre ciel et terre, comme entre deux mondes, suspendu en quelque sorte entre l’enfance et l’âge adulte. Et c’est là, dans cette métaphore tout bien choisie, que Norac met en lumière l’essence de cette période intense pendant laquelle on découvre l’espace qui nous entoure ; pendant laquelle on porte un regard nouveau sur elle. Le trajet entrepris par le héros est bien incertain et surtout imprévu, tout comme l’est l’adolescence. Puis, au gré des cette envolée, Salam remplit son bagage de ceci, de cela, sans savoir à quoi tout cela lui servira. Ce sujet est fréquemment abordé dans les romans pour adolescents, mais il reste plus rare dans les albums. Il faut voir aussi comment Carll Cneut a mis ce conte en image. Présenté dans un format classique à l’italienne, l’album s’ouvre sur des illustrations qui nous plongent au cœur d’un décor fait de désert et de femmes voilées. Fidèle à la longue tradition de peintres flamands – Brugel en tête – Cneut a la plume riche, un style profond à la fois réaliste et mystérieux qui transporte instantanément le lecteur. Un album qui permet de parler du sentiment de grandir, d’évoluer, et ce, de façon bien singulière.
Nouveau commentaire