Billet rédigé par Marie Fradette, spécialiste de la littérature jeunesse
« Té tini on fwa, il était une fois une Nani-Rosette et sa mère Anastasie. Oh que Nani-Rosette aime manger…! Oh qu’Anastasie aime cuisiner…! Un jour, des amis sont invités et maman Anastasie prépare un festin. Tout est là, prêt, fumant, appétissant…attendant les convives. »
Poussée par sa gourmandise, Nani-Rosette, elle, ne peut attendre et se prépare une assiette remplie de victuailles. Et, pour être certaine de n’avoir à partager avec personne, elle court s’installer sur un immense rocher. Or, comme dans tout bon conte merveilleux, un peu de sorcellerie vient mettre des bâtons dans les roues des jeunes insouciants. La jeune fille tente de se relever du rocher pour aller étancher sa soif, mais elle y est fixée. Malheur à elle, il s’agit de la propriété de l’Agoulou Granfal, communément appelé l’estomac-sur-pattes, une bête féroce et cruelle qui attend la nuit pour aller engouffrer sa proie. Pour éviter une telle horreur, des charpentiers construisent une petite cabane autour de Nani-Rosette, assurant sa protection. Elle aura l’ordre de n’ouvrir qu’à sa mère, à l’aube.
Léger rappel de la chèvre et ses chevreaux, l’Agoulou tentera de se faire passer pour la mère en contrefaisant sa voix. Et afin de ne pas déplaire au lecteur, l’auteur offre trois finales potentielles, permettant à chacun de choisir celle qui lui convient.
Ce conte antillais met en lumière le thème de la gourmandise tout en insistant sur l’importance de la relation mère-enfant. Les plus grands seront notamment fascinés par l’universalité des contes.
En effet, ce qui frappe ici, ce sont ces liens qui existent entre les contes de partout dans le monde. Si, pour écrire ce récit, Alex Godard s’est inspiré des versions racontées par sa grand-mère, ce conte créole a d’abord été publié la première fois en 1932 dans un recueil intitulé Trois fois bel conte. Mais bien avant cela, on en trouve des traces dans des versions françaises classiques. On pense à Jean de Lafontaine qui avait proposé une version de la chèvre et ses chevreaux, une fable sur la méfiance qu’il avait destinée au Dauphin Louis XIV âgé de 7 ans. C’était une histoire alors inspirée des contes d’Ésope, lui-même ayant puisé dans les contes orientaux.
Godard, qui nous a entre autres donné Maé et le lamentin ainsi que La case aux hibbiscus rouges, cligne de l’œil subtilement à cet univers classique en adaptant le tout à la culture antillaise. Les illustrations en mettent plein la vue avec des décors représentant la mer, la mangrove, la forêt si présentes dans les îles et récurrentes dans ses albums. Grâce à cette façon de faire, il s’assure de transporter son lecteur ailleurs. Les illustrations pleine page, débordantes de couleurs chaudes, peuplées de ces habitants des caraïbes, nous plongent au cœur d’un récit exotique. On dit que le conte parle un langage universel et nous en avons ici un exemple probant.
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