Larry a toujours été une fille à l’intérieur de lui, mais il ose de plus en plus le montrer à l’extérieur, appliquant du mascara, changeant ses vêtements. Il dérange. Ses parents adoptifs, ses enseignants, ses pairs. Spécialement Brandon McInerney, joueur de football, à qui il déclame son amour dès qu’il en a la chance, en privé… et en public. Brandon a beau le repousser, rire de lui, rien n’y fait. Larry/Leticia persiste, ose de plus en plus. Jusqu’à ce que Brandon arrive armé à l’école et qu’il tire sur celui, celle, qui l’aimait plus que tout…
L’enfant mascara prend la forme d’une lettre de Larry/Leticia à Brandon, écrite après le drame. Cette dernière est entrecoupée de poèmes, de témoignages, et basée sur des faits réels. Puissant, le texte s’adresse à un public avisé.
L’enfant mascara a été écrit à partir d’un drame qui s’est produit aux États-Unis. Simon Boulerice a créé un récit de fiction et propose une histoire tout en nuances. Ce n’est pas la première fois que Leméac propose des textes qui font réfléchir, et comme dans Eux, mais dans un tout autre contexte, la ligne entre bien et mal est floue ici. Parce qu’on voit bien que ce que fait Larry/Leticia est du harcèlement. Et que, même si on s’attache à ce personnage et qu’on aime « la » voir éclore, devenir qui « elle » est, on ne peut que comprendre aussi l’impression d’étouffement que devait ressentir Brandon. Même si le geste qu’il commet est impardonnable, cet adolescent n’en reste pas moins humain, complexe, ce qui transparait entre les lignes.
Le sujet tient particulièrement à cœur à Simon Boulerice et cela se sent tout au long du récit. Il est sensible à l’histoire de Larry/Leticia et y est impliqué. Trop peut-être. Quiconque a lu Martine à la plage, Javotte et les histoires de Léon reconnaitra l’auteur derrière le personnage. Est-ce parce qu’il se l’est tellement approprié, mettant un langage très québécois dans la bouche de protagonistes américains ?, est-ce parce que Larry/Leaticia a un rapport au corps, à l’amour parfois distordu comme celui d’autres personnages de la palette Boulerice ?, j’ai parfois eu l’impression de perdre le personnage au profit de l’auteur. Il n’en reste pas moins que ce texte est d’une grande puissance, notamment parce qu’il présente une réalité qui n’est ni blanche ni noire, et qu’il repose sur un geste bien réel. Et Simon sait manier les émotions, renforcées ici par la construction unique, ainsi que la langue, tant dans ses images que dans la douceur, ou la dureté, des dialogues.
Ce livre (dont la couverture est magnifique, il faut le souligner) est un incontournable. Osez.
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