L'arbre dans la cour - Par la lucarne d'Anne Frank

Billet rédigé par Marie Fradette, spécialiste de la littérature jeunesse

« Nous avons regardé tous les deux le bleu magnifique du ciel, le marronnier dénudé aux branches duquel scintillaient de petites gouttes, les mouettes et d’autres oiseaux, qui semblaient d’argent dans le soleil, et tout cela nous émouvait et nous saisissait tous deux à tel point que nous ne pouvions plus parler. »

Ces mots plein d’espoir d’Anne Frank, qui figurent en exergue de l’album, ont été recueillis dans son fameux journal dans lequel elle accorde à quelques reprises une pensée pour cet arbre qui restera là, tout près, malgré la guerre, malgré les cris, comme une présence bienveillante et silencieuse. Si ce sont d’abord les paroles de la jeune fille qui sont mise en scène, la suite du récit laisse place à l’arbre, à sa vision des hommes et du temps qui passe. En effet, toute cette période orageuse pendant laquelle Anne devait se cacher avec sa famille est présentée ici par la lunette de ce vieux marronnier qui voit passer les saisons, qui surveille les allées et venues des humains, qui se laisse bercer par le temps.

Si les plus jeunes trouveront dans cet album l’essentiel de la vie d’Anne Frank, les plus grands qui connaissent déjà son histoire se laisseront porter par la perspective offerte qui donne à voir le monde du point de vue de cet arbre foudroyé en 2010 lors d’une tempête.

Mon avis

Parmi toutes les publications jeunesse sur la vie d’Anne Frank, celle-ci reste particulièrement singulière. Raconter cette histoire, les instants difficiles qu’ont vécus Anne et sa famille à travers la vie d’un arbre, symbole de vie dans tout ce tumulte, a pour effet de donner espoir en un avenir meilleur. La simplicité du texte signé Jeff Gottesfeld se marie à la candeur de l’arbre, étonné, observateur, au milieu de ces humains et de cette guerre qui ne lui dit rien.

S’ajoutent à cette trame poétique les illustrations monochromes de Peter McCarty. La minutie du trait, fait de mille et une hachures, met en lumière le réalisme du propos tout en en conservant une certaine distance avec le sujet. L’aspect vieillot nous transporte dans un autre temps. Le jeu de perspectives, tout comme celui avec la lumière, créent par ailleurs des instants inédits, captent l’émotion au moment où elle passe.

Voilà un album vibrant dans lequel l’espoir luit à la toute fin grâce notamment aux marrons de cet arbre plantés ici et là, de l’Argentine à la France en passant par New York en souvenir d’hier. À découvrir pour que l’humain garde un oeil ouvert sur le passé afin de mieux faire vivre demain.