Billet rédigé par Marie Fradette, spécialiste en littérature jeunesse
Par un après-midi d’été de 1951, la visite impromptue de la famille McDonald sur la ferme de Leslie Howard Miller en Ontario, ancien lieutenant ayant combattu sur la crête de Vimy, est propice à un retour dans le temps. Le vieil homme accueille les touristes sur son domaine peuplé d’arbres fruitiers, d’érables à sucre, de cèdres, de noyers noirs mais surtout de grands chênes « au feuillage dense […] comme il y en avait par-delà l’océan, à Vimy, en France, avant que la Grande Guerre ne fasse tout basculer. »
Un narrateur nous raconte ce pan de l’histoire canadienne avec moult détails, mais insiste surtout sur la beauté de la nature que Miller découvrait par moment d’accalmie et notait dans ses journaux. Le récit relate bien sûr la plantation de ces chênes au Canada, mais aussi, un siècle plus tard, sur le champ de bataille.
Si les thèmes de la guerre, de la difficulté des tranchées sont présents, ceux de l’espoir, de la survivance et de la beauté à travers l’horreur sous-tendent ce nouvel album de Linda Grandfield.
Sujet de prédilection de Grandfield, la guerre est omniprésente dans sa production. Avec un souci de réalisme, sans jamais tomber dans le patriotisme facile, elle aborde ici Vimy avec une certaine poésie, en empruntant le chemin de cet homme visiblement sensible et assurément touchant.
Alternant texte narratif, photos d’archives, illustrations et extraits du journal de Miller, l’ouvrage tient beaucoup de l’album documentaire. Les adolescents en apprendront peu sur la bataille, mais seront servis sur ce qui s’en suivi, notamment le concours lancé en 1920 pour la conception d’un monument commémoratif, le déroulement de la commémoration, jusqu’à la transplantation de jeunes chênes sur le champ de bataille en guise de souvenir du passé et « d’un soldat canadien qui, un jour, a tenu au creux de sa main des glands, symboles d’espoir et de renouveau. »
L’album serait tout aussi pertinent, mais beaucoup moins attrayant si ce n’était des peintures sublimes de Brian Deimes. Son trait à la fois précis, réaliste se double d’une création d’atmosphères tout à fait propice au sujet. Le jardin de Miller luxuriant, riche en verdure s’oppose à la noirceur présente dans les tranchées ou alors aux éclats de bombes et à la grisaille du champ de bataille. L’effet opaque, diffus dans le trait et le jeu effectué avec la lumière permettent de plonger instantanément au cœur de la vie de cet homme encore inconnu de plusieurs. Voilà une belle façon de revoir Vimy sans le côté enorgueilli et l’effet patriotique habituellement réservés au souvenir de cette bataille.
Sophielit est partenaire des Librairies indépendantes du Québec (LIQ). Cliquez ici pour plus d'informations sur ce partenariat.
Nouveau commentaire