La petite romancière, la star et l'assassin

Cheyenne a réussi à convaincre sa mère de partir en vacances sans elle, la laissant à Paris en plein été pour une semaine. Dès leur départ, l’adolescence a accroché à son plafond une corde au nœud coulant, a vérifié ses réserves de somnifères et d’arachides, elle qui en est terriblement allergique. Son plan est clair : d’abord elle écrira son désespoir pour permettre à son entourage de comprendre son marasme, puis elle se tuera. Il ne reste plus qu’à décider comment.

Tristan a dégoté un boulot de gardien de maison pour une starlette en visite dans la capitale française. Il en a profité pour enterrer le corps du garçon qu’il trainait depuis trop longtemps et observe depuis l’adolescente qui se terre dans sa chambre aux murs noirs à travers le filtre de son objectif de futur cinéaste. Qui est-elle ?

L’actrice, elle, n’a le contrôle sur rien depuis qu’elle a débuté sa carrière. Si tout le monde croit qu’elle est toujours en vacances, en fait elle n’arrête pas une seconde et suit le planning de sa mère : chambres d’hôtel impersonnelles et chauffeurs peut-être, mais surtout films, shooting, entrevues, toujours le même sourire factice, toujours cette fatigue.

Écrit sous la forme d’un interrogatoire de police mené suite à la découverte du corps d’un jeune garçon dans un étang, ce roman se déroule en trois parties, présentant tour à tour les dépositions de Cheyenne, Tristan et de l’actrice. Dans une langue riche et avec un regard affuté, Caroline Solé aborde les thèmes de la dépression, de la solitude, de la célébrité et des choix de vie, s’adressant à un public avisé.

Mon avis

Après la pyramide des besoins humains, qui a remporté un fort succès critique et a été nominé dans plusieurs prix, Caroline Solé revient avec un roman qui met de nouveau en scène des personnages atypiques, fragiles avec lesquels elle aborde la marginalité, la célébrité, la solitude. Le récit est assez lent et c’est le type de livre qui frappe sa cible ou qui passe complètement à côté.

En effet, si on n’est pas touché par Cheyenne dès les premières pages, on pourrait décrocher (ce qui serait bien malheureux.) En effet, alors que déferle la marée de conseils suite à la diffusion de Treize raisons, il est intéressant de lire ce roman qui commence très durement, avec cette adolescente qui avoue tout de suite qu’elle ne sait pas comment fonctionner, comment les autres font pour être heureux, pour ressentir quelque chose, et qui a décidé d’en finir. Anti-héroïne par excellente, elle semble hors du temps, hors des habituels stéréotypes adolescents et elle porte d’ailleurs sur eux un regard froid, détaché. Face à elle, l’assassin et la star sont plus pâles, mais pas inintéressants.

Le premier intrigue d’abord à cause de ce corps qu’il a enterré sans vraiment se soucier d’avoir été vu, qui semble avoir ses propres squelettes dans le placard et qui s’intéresse vraiment à Cheyenne. Sa marginalité n’est pas sans rappeler celle de Christopher, héros de la Pyramide des besoins humains et donne envie d’en savoir davantage. La deuxième parce qu’elle permet une intrusion dans une vie qui peut avoir l’air bien rose de l’extérieur, mais qui semble aussi terriblement solitaire. La forme enfin est chouette parce que l’interrogatoire permet aux personnages de se livrer aux lecteurs comme ils le font à l’inspecteur, de parler véritablement, sans interruption, en dévoilant probablement beaucoup plus qu’ils ne le croyaient au départ.

Si la fin ne m’a pas pleinement satisfaite, il n’empêche que j’ai beaucoup aimé ce roman et que j’ai eu la confirmation que Caroline Solé a un talent indéniable, une façon bien particulière de parler aux adolescents, en ne sous-estimant jamais leur intelligence.

Merci aux éditions Albin Michel pour le roman et à Pierre-Alexandre Bonin pour la révision du billet!