Lui

 
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Pierre-Alexandre Bonin a aimé ce livre

Attention, ce livre est le troisième d’un triptyque. Ne gâchez pas votre plaisir et commencez par le premier : Eux.

Un an s’est écoulé depuis la fin de Nous, où le narrateur terminait de purger sa peine en centre jeunesse pour la fusillade où il avait tué un élève en plus d’en blesser un autre, dans Eux. L’adolescent, maintenant âgé de 17 ans, est finalement libéré, et il retourne chez lui. Mais sa liberté a un prix, et les autres acteurs du drame n’ont pas oublié. Alors que l’adolescent anonyme tente de reprendre une vie normale, une fusillade éclate dans une école américaine. Rapidement, d’autres jeunes s’inspirent de ce nouveau drame dans des polyvalentes du Québec. Ces événements ramènent de douloureux souvenirs à la mémoire de ceux qui ont gravité autour du narrateur, trois ans plus tôt. Et il y a « l’autre », le premier à l’avoir intimidé, humilié, qui refuse de se libérer de sa colère. Sa collision avec « lui » sera inévitable, et qui sait ce qui va se produire à ce moment-là…

Contrairement aux deux premiers romans du triptyque, Lui est raconté par un narrateur omniscient. Les nombreux points de vue et l’utilisation importante de pronoms indéfinis, ainsi que des thèmes durs qui sont abordés, font que ce roman s’adresse aux lecteurs avancés.

Mon avis

Il n’y a pas à dire, Patrick Isabelle possède l’une des plumes les plus marquantes de la littérature jeunesse contemporaine. Il nous en fait encore la démonstration éclatante dans le dernier roman qui compose son triptyque sur un adolescent poussé au pire.

Si l’utilisation du narrateur omniscient et la présence de nombreux pronoms indéfinis surprennent et désorientent au début, notamment parce que les deux autres titres sont écrits à la première personne, on finit par s’habituer et on se laisse prendre par sa lecture. En plus de l’adolescent au centre de l’histoire, qui ne sera jamais nommé, on retrouve plusieurs personnages rencontrés dans Eux et dans Nous, et on voit de quelle manière les choses ont changé pour eux en trois ans. Le rythme du roman est dicté par ces différentes rencontres, ce qui fait qu’on est tout aussi loin de la frénésie de Eux que de la sensation de surplace de Nous.

Pour cette critique, j’ai choisi de lire les trois romans l’un après l’autre, pour m’imprégner de l’univers et des personnages mis en place par Patrick Isabelle. J’ai donc été en mesure de bien voir les rappels, subtils échos aux deux premiers tomes, qui parsèment ce roman-ci. Cette fois encore, de très courts interludes viennent peu à peu s’assembler pour former la scène finale, qui divisera peut-être les lecteurs. Personnellement, je la trouve parfaite, et elle justifie à elle seule la confusion parfois engendrée par l’utilisation des pronoms indéfinis tout au long de la narration. Elle oblige également le lecteur à réfléchir sur le titre, qui vient soudain d’acquérir un autre sens possible. Là encore, on comprend a posteriori le choix de la narration omnisciente, qui cause une rupture avec le narrateur au « je » des deux premiers romans. Ce changement était nécessaire, puisqu’il reflète le rapport du personnage principal anonyme aux autres. Dans Eux, il était seul contre les autres, qu’ils soient agresseurs, complices, témoins passifs ou adultes impuissants. Nous faisait référence aux jeunes du centre jeunesse où le narrateur est enfermé. Il se reconnait dans leur douleur, leur solitude. Mais dans Lui, c’est à la fois le regard que les autres portent sur l’adolescent anonyme et le rapport avec son tortionnaire, une sorte de miroir déformant, comme on en retrouve dans les fêtes foraines.

Encore une fois, Patrick Isabelle nous offre un grand moment de lecture, et une œuvre percutante, qui vient clore avec brio un triptyque qui laissera une marque indélébile sur la littérature jeunesse québécoise. Merci!


Billet corrigé par Antidote 9 juste avant d'être publié par Pierre-Alexandre Bonin le 18 septembre 2017.

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A. Rendina (24.07.18 à 14 h 21)

En effet, la finale est déroutante, mais bien pensée! La certitude qui reste, c'est qu'on ne sort pas indemne d'une violence qu’on ne cesse de nourrir (que cette violence soit psychologique ou physique). Je retiens également de cette trilogie la responsabilité des uns et des autres vis-à-vis gestes et paroles d’intimation : qu’on vive ou qu’on soit témoin de quelque forme d’intimidation que ce soit, il ne faut ni rester muet ni fermer les yeux.

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