Billet rédigé par Marie Fradette, spécialiste en littérature jeunesse
« Les filles ont mal au ventre quand elles entendent dire que la naïveté est féminine; quand on leur dit de s’épiler les jambes et les aisselles ou qu’on leur reproche de ne pas le faire; quand on leur dit qu’elles ont été embauchées pour leur sourire et qu’on leur fait remarquer qu’elles sont belles avant de leur dire qu’elles sont intelligentes… »
Les filles ont mal au ventre d’être rejetées, pointées du doigt, jugées sur des critères normatifs. Lucile de Pesloüan présente ici avec avec force et frappe plusieurs préjugés qui condamnent les femmes à être belles, coquettes et forgées sur le même moule.
Ce roman graphique est d’abord paru sous forme de fanzine et c’est l’éditrice Angèle Delaunois qui a voulu le publier en livre. Le thème englobant du féminisme pourra être abordé avec les adolescents et les différentes pistes offertes pourront faire office de réflexion profonde, de recherches diverses avec les jeunes, que l’on pense à l’excision, au mariage forcé, à l’apparence, aux inégalités entourant le salaire et plus encore.
Pourquoi les filles ont mal au ventre ? Lucile de Pesloüan reprend ici une phrase typée et mainte fois entendue pour exposer avec aplomb les règles et autres diktats qui font des femmes des humains négligés. À coup de phrases chocs, courtes et directes, elle dénonce le mal sourd qui les afflige depuis leur jeune âge jusqu’à tard. Regards obliques, commentaires en apparence anodins, mais lourds de conséquences, normativité sexuelle exigée, la liste des irritants qui briment le quotidien des femmes est longue.
Si cet ouvrage est nécessaire - on ne parlera jamais assez des inégalités, des torts causés - un léger agacement ressenti tout au long de la lecture s’est ensuite précisé. En fait, ce discours franc sera reçu avec joie par la plupart des femmes, mais reste peu attirant pour les adolescents ou les hommes parce qu’ils semblent ici responsables, plus ou moins directement, mais en grande partie des problèmes présentés.
L’auteure tend à dénoncer d’abord, mais tout en illustrant les coupables à l’aide d’exemple précis : Hommes attablés devant la femme qui sert, hommes se vantant d’avoir « levé une petite poulette », femmes qui « servent de butins [sous entendu pour les hommes] dans les conflits armés », etc. Discours qui se prolonge dans les illustrations de Geneviève Darling. Les lignes sobres, mais dures qui expriment de façon percutante les réalités vécues, évoquent aussi à certains moments ces hommes du mal. Il faut voir, notamment, cette scène dans laquelle des femmes déambulent sur la rue et deux hommes qui, attablés devant un verre – cliché parfait – lèvent les yeux vers les marcheuses.
Il ne faudrait pas oublier que les femmes participent aussi du problème et sont responsables de la répétition des modèles, des façons de faire et de penser. Cette autre vision, cet angle double aurait été un plus à ce manifeste afin que ces inégalités, ces préjugés puissent être entendus, reçus et partagés par toute et par tous et non seulement par les femmes.
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